Où en est Berachain (BERA) ? Rapport 3 mois après le mainnet et l’airdrop
8 mai 2025

À peine trois mois après son lancement, Berachain s’impose déjà à la 8e position des blockchains avec la DeFi la plus valorisée (2,5 milliards de dollars de TVL), au même niveau que des réseaux plus établis comme Base ou Arbitrum. Ce rapport vous propose une analyse approfondie du fonctionnement et de l’usage de Berachain afin d’évaluer ses forces, ses faiblesses, et sa viabilité sur le long terme.
Rappels sur Berachain
Contrairement à la plupart des nouvelles blockchains qui choisissent d’assurer leur sécurité par un consensus en Proof of Stake, Berachain a fait le choix de proposer son propre consensus : le Proof of Liquidity.
Ce choix repose sur le constat que le Proof of Stake crée une séparation entre les validateurs du réseau, les projets de l’écosystème ainsi que leurs utilisateurs. À l’inverse, le Proof of Liquidity permet de faire travailler ces acteurs ensemble : les validateurs distribuent des incitations directement aux projets DeFi et à leurs utilisateurs, tandis que ces derniers délèguent leurs tokens pour booster les émissions des validateurs.
Berachain se distingue également par sa tokenomics à trois tokens :
- BERA : Le token utilisé pour le gas et qui doit être staké par les validateurs pour participer à la validation des transactions.
- BGT : Le token de gouvernance de la blockchain, qui peut être délégué à un validateur afin de booster ses émissions de BGT lorsqu’il est choisi pour valider le prochain bloc. Le BGT ne peut pas être transféré, mais il peut être burn afin d’obtenir un montant équivalent de BERA.
- HONEY : Le stablecoin natif de Berachain, collatéralisé à 100 % par des dépôts en USDC ou pyUSD (le stablecoin de PayPal).
L’autre particularité importante de Berachain réside dans son choix technique d’être une blockchain EVM-identique. Cela signifie que les validateurs sur Berachain utilisent les mêmes clients d’exécution que ceux utilisés par les validateurs d’Ethereum. Ainsi, les utilisateurs sur Berachain profitent des avancées technologiques d’Ethereum au fur et à mesure de leur déploiement.
Ce choix se démarque du reste des blockchains de L1 lancées récemment, qui cherchent plutôt à optimiser leurs performances (vitesse, latence, etc.) en utilisant des langages de programmation alternatifs (comme Move) ou avec des environnements d’exécutions différents.
Ainsi, Berachain s’illustre dans le paysage des L1 par plusieurs éléments différenciants : des choix technologiques forts, une méthode de consensus unique, etc. Cela s’explique par une volonté de se positionner comme une blockchain spécifiquement dédiée à la DeFi, tandis que d’autres visent des cas d’usages généralistes.
→ Pour aller plus loin, retrouvez notre présentation complète de Berachain :
Quelques métriques on-chain sur Berachain
Le pari de Berachain est audacieux car il pourrait clairement créer un plafond de verre et limiter le développement de l’écosystème sur le long terme. Néanmoins, selon les dynamiques du secteur, il pourrait au contraire renforcer le positionnement actuel de Berachain sur le secteur de la DeFi et asseoir son leadership pour l’avenir.
Un peu plus de trois mois après le lancement de Berachain en mainnet, quelles conclusions pouvons-nous tirer ? D’après les métriques on-chain, cette stratégie de spécification sur la verticale DeFi semble avoir plutôt bien réussi : Berachain se positionne à la 8e place des blockchains dont la DeFi est la plus capitalisée et en 13e position en ce qui concerne les actifs externes ayant été bridgés.
Note : pour une blockchain lancée il y a seulement 3 mois, c’est une performance assez remarquable.

Au lancement du mainnet de Berachain, l’activité sur le réseau s’est emballée, probablement en raison de l’airdrop massif de BERA. Le nombre d’adresses actives sur le réseau a atteint 1.2 million d’utilisateurs par jour, avant de chuter et se stabiliser autour de 25 à 50 000 utilisateurs. À noter que ces dernières semaines, ce chiffre a régulièrement dépassé les 60 000 utilisateurs, témoignant d’un regain d’intérêt pour Berachain.
Le constat est similaire pour les volumes de transactions en DeFi : l’activité s’est stabilisée dans un range entre 50 et 100 millions de dollars quotidien au cours des 30 derniers jours. La part de volume des exchanges décentralisés oscille entre 50 et 75 % du total, témoignant d’une activité assez disparate.

Focus sur le Proof of Liquidity
Vaults et bribes
Pour rentrer un peu plus dans le fonctionnement du Proof of Liquidity, il faut introduire les notions de vaults et de bribes.
Qu’est-ce qu’un vault ? Les vaults sont des smart contracts permettant de déposer des tokens sur Berachain. Chaque vault est créé pour déposer un token en particulier (un token de gouvernance, un memecoin, un token de LP, un NFT, etc.).
Lorsqu’un validateur de Berachain est choisi pour créer le bloc suivant, il obtient le droit d’émettre des BGT qu’il distribue aux vaults de son choix, dans la limite de 30 % par vault. Ces BGT sont ensuite distribués aux investisseurs ayant déposé des fonds dans le vault concerné, proportionnellement au capital déployé.
Actuellement, la plupart des vaults correspondent à des tokens de LP des DEX de Berachain. Ainsi, le Proof of Liquidity incite les utilisateurs à déposer de la liquidité dans les DEX, ce qui offre plus de profondeur pour les traders. Contrairement aux autres blockchains où les émissions de tokens reviennent uniquement aux validateurs, dans le cas de Berachain, elles profitent directement au développement des projets qui s’y construisent.
Qu’est-ce qu’une bribe ? Une autre notion importante pour comprendre l’économie de Berachain, ce sont les bribes, ou pots-de-vin en français. Les bribes sont des récompenses distribuées par un vault aux validateurs qui les choisissent.
Lorsqu’un validateur choisit un vault auquel distribuer des BGT, cela peut lui permettre de toucher des récompenses supplémentaires, émises par le vault lui-même. Il peut ensuite les partager avec les détenteurs des BGT qui lui sont délégués (on reviendra sur cette notion dans la prochaine partie). Ces récompenses, ce sont les bribes, des incitations déposées sur un vault, récompensant les validateurs qui distribuent des BGT à ce vault.
Pour être plus précis, n’importe qui peut choisir de déposer des bribes sur n’importe quel vault. Par exemple, plutôt que de distribuer son token pour inciter ses pools de liquidité, un projet peut déposer ces tokens sous forme de bribes sur le vault de la pool de liquidité. Cela permettra d’inciter les validateurs à distribuer des BGT aux fournisseurs de liquidité de cette pool.
Jusqu’ici, le montant de bribes dépensées pour que les LP reçoivent un BGT est inférieur à la valeur de ce BGT. Concrètement, cela signifie que pour 1 dollar de token distribué en bribes aux validateurs, les fournisseurs de liquidité des pools reçoivent plus d’un dollar de BGT. Les projets profitent directement de ce mécanisme, car avec un montant égal d’incitations dépensées, leur fournisseurs de liquidités reçoivent plus de récompenses, ce qui veut dire de meilleurs rendements et une meilleure liquidité.
De cette manière, plutôt que d’avoir chaque projet qui crée ses propres incitations dans son coin, le Proof of Liquidity fournit un marché unique où les projets entrent en compétition pour capter une partie des émissions de Berachain. Les projets y gagnent en profitant de meilleures récompenses pour leurs utilisateurs et donc plus de liquidité, et Berachain y gagne en voyant son écosystème et son effet de réseau se développer. Ainsi, on peut voir Berachain comme une machine à incitation qui facilite le développement des projets qui apportent de la valeur à son écosystème.
Limites et dérives des vaults
Le mécanisme du Proof of Liquidity introduit un système d’incitation inédit, avec des effets directs sur les tokens des projets de l’écosystème Berachain. Dès les premières semaines, certains projets ont versé des bribes particulièrement généreuses sur les vaults associés à leur token.
Cette stratégie a immédiatement attiré de nombreux validateurs, qui ont redirigé leurs émissions de BGT vers ces vaults afin de percevoir des rendements plus élevés (parfois supérieurs à plusieurs centaines de pourcents annuels). Cela a mécaniquement exercé une forte pression acheteuse sur les tokens ciblés, provoquant une hausse temporaire de leur prix.
D’autres projets ont également émis des bribes sur des pools de liquidité dont ils détenaient une part substantielle de la liquidité. En captant ainsi une portion significative des émissions de BGT, ils ont pu recycler ces jetons en bribes supplémentaires, renforçant encore leur domination sur le flux d’émissions de BGT.
Évolution du choix des vaults
Pour limiter certains abus observés dans les premières semaines, l’équipe de Berachain a fait évoluer à plusieurs reprises son processus de sélection des vaults. Dans sa version actuelle, ce processus repose sur un conseil composé de cinq membres, dont trois issus de l’équipe de Berachain et deux représentants de l’écosystème.
Ce conseil est chargé d’accepter ou de refuser les nouveaux vaults proposés par les projets. La sélection repose sur deux types de critères :
- Quantitatifs : le token concerné doit compter au moins 100 détenteurs, une liquidité supérieure à 100 000 dollars, et aucun wallet ne doit posséder plus de 40 % de l’offre totale.
- Qualitatifs : le vault apporte-t-il une réelle valeur à l’écosystème ? Comporte-t-il des risques potentiels ? Est-il susceptible de stimuler l’adoption de Berachain ?
Si ces garde-fous permettent de structurer l’écosystème, les critères qualitatifs, eux, restent ouverts à interprétation. C’est précisément ce flou qui soulève une inquiétude : la subjectivité des décisions. Dans un environnement où plusieurs membres du conseil ont des intérêts personnels dans des projets en compétition, le risque d’abus de pouvoir ou de favoritisme, notamment via des accords OTC, devient bien réel.
À terme, Berachain prévoit de décentraliser ce processus, en transférant la responsabilité des validations vers la gouvernance communautaire (via les détenteurs de BGT). Cependant, un tel processus ne sera pas forcément bénéfique à Berachain : remettre à une gouvernance ouverte le soin d’évaluer des critères aussi sensibles et parfois techniques semble hasardeux et il n’est pas certain que celle-ci soit mieux armée pour assurer une sélection rigoureuse, impartiale et rapide.
En définitive, même si le système de vaults de Berachain est très intéressant dans son concept, il présente des difficultés dans sa mise en œuvre en raison des nombreuses dérives possibles du fait des critères qualitatifs utilisés. Le choix de valider ou non un vault équivaut presque à un droit de vie ou de mort sur un projet de Berachain. Le système de sélection devient ainsi un levier stratégique central, et l’un des points névralgiques de l’avenir de la chaîne.
Le système de sélection des vaults est donc un enjeu important pour la réussite à long terme de Berachain. Depuis le lancement du Proof of Liquidity, celui-ci a déjà connu plusieurs changements. L’équipe de Berachain étant plutôt réactive, il faut s’attendre à ce que cette dynamique continue dans les mois à venir.
Émissions de BGT
Afin de terminer l’analyse du fonctionnement du Proof of Liquidity, il est important de parler des dynamiques liées au token BGT. Comme nous l’avons vu un peu plus tôt, le validateur qui est tiré au sort pour émettre un bloc gagne aussi le droit d’émettre des BGT qu’il va pouvoir distribuer aux vaults de son choix.
Ce qu’il est important de savoir, c’est que plus un validateur possède de BGT, plus il gagne en boost. Plus son boost est important, plus il peut émettre de BGT s’il est tiré au sort pour valider un bloc. Plus un validateur arrive à attirer de BGT, et donc plus il gagne en pouvoir, car il possède la capacité d’émettre plus de BGT pour les vaults qu’il choisira.
Ce boost peut être relativement important car un facteur de 10 sépare le minimum du maximum d’émissions possible. À noter que la croissance du boost en fonction du nombre de BGT déposés est logarithmique, ce qui signifie que les premiers BGT déposés ont un impact beaucoup plus important sur le boost que les suivants.
Impact sur l’inflation du BERA
Une fois que les utilisateurs reçoivent des BGT, deux choix s’offrent à eux :
- Ils peuvent les brûler contre un nombre équivalent de tokens BERA afin de les vendre ou de les utiliser en DeFi.
- Ils peuvent les déléguer à un validateur de leur choix et toucher une partie des bribes qu’ils reçoivent ainsi que des frais qu’ils génèrent.
Ce choix instaure une dynamique unique sur l’inflation du token BERA. En effet, puisque les tokens sont émis sous la forme de BGT qui ne sont pas échangeables directement, mais convertibles en BERA, l’inflation sur le token BERA est nécessairement non linéaire et dépend des choix des investisseurs.
Les rendements que peuvent générer les BGT via la délégation aux validateurs (qui correspond aux bribes), entrent directement en concurrence avec les rendements qui peuvent être obtenus sur la DeFi de Berachain. Sur le long terme, les deux devraient trouver un point d’équilibre, ce qui devrait résulter en un nombre fluctuant, mais plutôt fixe de BGT en circulation.
Actuellement, les rendements de la délégation de BGT est bien supérieure aux rendements proposés en DeFi. Pour cette raison, moins de 15% des BGT émis ont été convertis en BERA jusqu’à aujourd’hui. Cette tendance devrait se poursuivre jusqu’à ce que les rendements des vaults s’équilibrent avec les bribes.

Un autre facteur important qui influe sur le nombre de BGT en circulation et donc sur l’inflation, c’est bien évidemment le prix. En effet, si le prix du token BERA monte de manière importante, certains investisseurs préféreront prendre des profits immédiats, ce qui conduira à une augmentation du nombre de BGT burn.
C’est précisément ce qu’il s’est passé fin mars lorsque le prix du BERA a augmenté de 45% en quelques jours. Cela s’est soldé par un pic dans le nombre de BGT détruits. Il est évident que ce genre d’évènement se reproduira dans le futur. Il sera nécessaire d’y prêter attention car cela a un double effet :
- Il réduit le nombre de BGT en circulation ce qui augmente les rendements pour les BGT restants.
- Il crée une inflation rapide de la supply de BERA qui est doublée d’une augmentation de l’offre et donc une pression baissière sur le prix du token.
Dans le cas où un grand nombre de BGT ont été accumulés, cela pourrait avoir un effet chasse d’eau où l’on verrait une augmentation significative du nombre de BERA en circulation qui pourrait aboutir à une baisse très rapide du prix.
Analyse sectorielle
Les DEX
Comme sur la plupart des blockchains de smart contracts, les DEX représentent une part significative de l’activité du réseau. Leur TVL cumulée est de 1.6 milliard de dollars, soit un peu plus d’un quart de la TVL totale de Berachain. La très large majorité de cette TVL se répartit entre les deux principaux exchanges : BEX et Kodiak.
BEX est le DEX officiel créé par l’équipe de Berachain. Basé sur la v2 de Balancer, BEX a connu une croissance assez rapide jusqu’à 1.6 milliard de dollars dès le lancement du Proof of Liquidity. Cela est dû au fait qu’au lancement du Proof of Liquidity, il n’y avait que cinq vaults approuvés, tous sur BEX. Après cette phase initiale de lancement, la liquidité a rapidement migré au profit de Kodiak, le leader actuel.
Kodiak est désormais le leader des DEX sur Berachain, et de loin, puisqu’il détient 84 % de la liquidité des DEX de Berachain et génère plus de la moitié du volume d’échange. Les pools de Kodiak captent près de 60 % des BGT distribués par les validateurs. Ces récompenses reviennent bien évidemment aux fournisseurs de liquidité sur Kodiak, mais cela montre que Kodiak a indirectement une place prépondérante dans le Proof of Liquidity.

Ce succès est en grande partie dû aux pools de liquidité Island de Kodiak, qui ont adapté la concentration de la liquidité de la v3 d’Uniswap pour qu’elle puisse fonctionner sur le Proof of Liquidity. Grâce à cette technologie, les pools de Kodiak offrent naturellement une meilleure profondeur de liquidité pour les traders et des frais plus importants pour les fournisseurs de liquidité. Pour ces raisons, il y a fort à parier que Kodiak continue d’être le leader des DEX sur Berachain pour l’année à venir.
Les LSD
Malgré une TVL beaucoup plus faible (environ 330 millions de dollars), le secteur des LSD a une importance majeure sur Berachain. Il se divise principalement entre deux actifs :
- Les LSD BGT qui tokenisent des BGT délégués aux validateurs.
- Les LSD BERA qui tokenisent des BERA stakés sur les validateurs.
Par nature, le BGT est un actif non transférable, ce qui limite sa capacité à être échangé. Pour les rendre liquides, les projets de LSD créent leur propre surcouche au Proof of Liquidity. Plutôt que l’utilisateur dépose lui-même son token dans un vault, il va plutôt le placer dans un smart contract géré par le protocole, qui le déposera à sa place dans le vault. Les BGT gagnés par la stratégie sont collectés par le protocole, qui émet un token de LSD qu’il distribue au fournisseur de liquidité.
Les protocoles de LSD proposent généralement de staker ce token de LSD afin de toucher les revenus issus de la délégation des BGT détenus par le protocole. Cela présente deux avantages principaux :
- Les LSD sont des tokens ERC-20 liquides qui peuvent donc facilement être échangés sur les DEX de Berachain.
- Le staking de LSD profite d’un effet de concentration du rendement. En effet, imaginons qu’un LSD ait 100 BGT en réserve et donc 100 tokens de LSD qu’on appellera xBGT. Comme le xBGT peut présenter d’autres opportunités de rendement (LP, collatéral en lending, etc.), il n’y a jamais la totalité des xBGT qui sont stakés sur le protocole mais qui pourtant se partagent le rendement des 100 BGT en collatéral. Le rendement des LSD est donc généralement plus élevé que celui de BGT natifs.
Ces deux caractéristiques créent naturellement un premium sur les LSD BGT qui profitent du rendement des BGT tout en étant liquides.
Focus sur Infrared :
Le secteur des LSD BGT est très concentré autour du projet Infrared avec son token iBGT, qui à lui seul représente 58 % de l’ensemble des BGT en circulation et 78 % de la capitalisation des tokens de LSD. Le reste est réparti entre BeraPaw (20 %) et Stride (2 %).
De la même manière que Kodiak domine le secteur des DEX et les vaults du Proof of Liquidity, Infrared détient lui aussi un pouvoir très important puisqu’ils peuvent décider des validateurs qui recevront le boost des BGT collatéralisant le iBGT. À terme, Infrared prévoit de déléguer ce rôle à la gouvernance d’Infrared, qui sera contrôlée par un token pas encore émis, mais cela reste un pouvoir très important, qui pourra être utilisé par d’autres validateurs pour se booster eux-mêmes.
En attendant, les BGT contrôlés sont délégués à 8 validateurs partenaires d'Infrared. La particularité de ces validateurs est qu’ils ont des commissions sur les bribes à 100 % contre généralement 5 à 10 % pour le reste des validateurs. Concrètement, cela signifie que le validateur reçoit 100 % des récompenses issues des bribes et ne reverse rien aux délégateurs de BGT.
Dans le cas d'un validateur classique, ce genre de décision serait totalement contre productive puisqu'elle ferait fuir les délégateurs, ce qui réduirait le boost du validateur et donc ses revenus. Mais dans le cas des 8 validateurs partenaires d'Infrared, cela assure qu'il n'y ait pas d'incitation pour que des délégateurs autres qu'Infrared ne boost les validateurs. Les bribes générées sont intégralement récupérées par les validateurs qui les redistribuent sous le manteau à Infrared, qui les reverse en récompense aux iBGT stakés par un rachat de tokens sur le marché.
Mais la puissance d'Infrared ne s'arrête pas ici puisqu'ils possèdent le principal LSD sur le staking de BERA, le iBERA dont la TVL atteint les 300 millions de dollars. Comme le stETH sur Ethereum, le iBERA tokenise des BERA qui sont déposés en staking sur les validateurs. Encore une fois, c'est Infrared qui décide des validateurs sur lesquels les BERA sont stakés, et encore une fois, ils les délèguent à leurs 8 validateurs partenaires.
Un point que nous n'avons pas abordé plus tôt à propos du staking de BERA est que plus un validateur possède de BERA stakés, plus il a de chance d'être tiré au sort pour valider un bloc. Plus son boost en BGT est important, plus il pourra émettre de BGT lorsqu'il a été tiré au sort pour valider le bloc. Il existe des limites au staking de BERA puisque le minimum pour avoir un validateur est de 250 000 BERA stakés et que le maximum se situe à 10 000 000 BERA. Ainsi, tous les validateurs ne sont pas égaux, et à boost égal, un validateur à 10 000 000 BERA sera 40 fois plus puissant qu'un validateur à 250 000 BERA puisqu'il sera tiré au sort 40 fois plus souvent.
En prenant en compte le boost très important que possède Infrared, et le stock important de BERA dont ils disposent (80 millions), cela leur permet d'avoir en leur contrôle 7 des 10 validateurs les plus puissants de Berachain, ce qui leur confère un pouvoir très important sur l'émission de BGT et le choix des projets et des actifs qui recevront ces incitations.
Focus sur BeraPaw :
Infrared a réussi ce coup de maître en récompensant massivement le staking de liquidité via ses pools au lancement du Proof of Liquidity. Néanmoins, et contre toute attente, il existe un autre LSD qui a réussi à tirer son épingle du jeu en parvenant à gagner progressivement 20 % du marché des LSD BGT soit environ 15 % de l'ensemble des BGT en circulation à ce jour. Ce LSD c'est le LBGT de BeraPaw. Son succès est dû à deux particularités :
La première est que BeraPaw a réussi à mettre en place un système de délégation qui permet aux utilisateurs de minter des LBGT au lieu de BGT sans avoir nécessairement déposé les tokens de LP dans la surcouche de BeraPaw. Ce système offre de la flexibilité et permet aux utilisateurs de staker leurs tokens directement dans les vaults officiels, puis de réclamer les BGT sous forme de LBGT sur BeraPaw.
La seconde raison du succès du LBGT et la plus importante, est le premium important sur le LBGT dont sa valeur s'est longtemps maintenue à un premium de 70 % au-dessus de celle du BERA, et qui a même dépassé les 150 % pendant quelques périodes courtes.
Ce premium s'explique par la structure de ce LSD. Contrairement au iBGT qui dirige son boost vers les validateurs partenaires d'Infrared, l'équipe de BeraPaw a un objectif de maximisation des rendements qui les pousse à booster les validateurs les plus rentables et ceux qui dirigent des émissions vers les pools qui contiennent du LBGT. Cela crée naturellement des rendements importants sur ces pools de liquidité, ce qui pousse des investisseurs à acquérir des LBGT pour en profiter.
Comme une grande partie des LBGT sont déposés sur les pools de liquidité, seule une petite partie est stakée et profite donc d'une concentration énorme du rendement des BGT sous-jacents. Tant que les incitations sur les vaults sont importantes, cela maintient un premium élevé sur le LBGT, ce qui pousse les farmeurs de BGT à les réclamer sur BeraPaw. En les vendant contre des BERA, cela leur offre la possibilité de toucher un rendement immédiat plus important du montant du premium, ce qui a naturellement attiré de nombreux BGT.
Depuis quelques jours, la baisse des rendements à réduit la demande pour les pools de liquidité sur le LBGT, ce qui a amené à une baisse du premium autour de 30 %. Cela reste néanmoins une option intéressante pour les investisseurs.
Le lending
Sur une blockchain dédiée à la DeFi, le lending est naturellement un secteur très important. Celui-ci est principalement dominé par Dolomite qui détient 97 % des 790 millions de dollars de la TVL totale du lending sur Berachain. Le reste est majoritairement détenu par Euler.
Depuis le lancement du Proof of Liquidity, le lending sur Berachain a offert des opportunités de rendement assez importantes dépassant parfois les 100 % par an. Cela s’explique par des rendements bien plus importants sur les vaults qui rendent profitables des stratégies qui empruntent des tokens même à des taux proche de 100 % par an pour les déposer dans des vaults sur Berachain.
Depuis la correction du prix du BERA, les rendements sont en baisse sur les vaults ce qui a considérablement réduit ceux du lending. Le lending de BERA offre des rendements corrects entre 20 et 30 % par an. Celui sur les stablecoins est beaucoup plus limité autour de 5 à 10 %, ce qui limite l’attractivité pour les investisseurs tant que le prix du BERA ne remonte pas.
Événements à venir
Boyco
Le programme Boyco a initié le Proof of Liquidity en permettant aux investisseurs de déposer du capital sur d’autres blockchains, qui a ensuite été bridgé sur Berachain. Plus de deux milliards de dollars ont ainsi trouvé leur chemin vers Boyco avec à la clé 10 millions de tokens BERA (2 % de la supply totale).
Ce capital a été soumis à un blocage de 90 jours et devrait donc être de nouveau accessible le 7 mai. En raison de la baisse des rendements de ces dernières semaines, il est fortement probable que 20 à 40 % de ce capital décide de quitter Berachain, ce qui devrait contribuer à rééquilibrer les rendements par rapport à la chute récente du token BERA.
La septième rebase
Lors du airdrop en février, 6.9 % des tokens BERA ont été alloués aux Bong Bear et rebase. Il s’agit de plusieurs collections de NFT dont la particularité est que chaque nouvelle génération (rebase) a un nombre d'unités deux fois plus important. Six rebases ont déjà été émises pour un total de 4543 NFT. La septième rebase a été annoncée et devrait arriver dans les mois à venir lorsque “Berachain en aura le plus besoin”, pour reprendre les termes utilisés par l’équipe.
Comme pour les précédentes rebase, celle-ci sera distribuée aux détenteurs actuels des rebase précédente et aura droit à une part de l’airdrop dédié aux rebases. Cela signifie que chaque détenteur d’une des collections Berachain officielle (Bong Bears, Bond Bears, Boo Bears, Baby Bears, Band Bears et Bit Bears) recevra cette septième ainsi qu’un airdrop dont le montant sera d’environ 1070 BERA (environ 3800 dollars au prix actuel). Les trois quarts de cette allocation seront disponibles immédiatement. Le reste sera soumis à un vesting de deux ans à partir de février 2026, comme c’est déjà prévu pour les six autres rebases.
Le prix actuel des Bit Bears, Band Bears et Baby Bears est respectivement de 300, 410 et 730 BERA. Sachant que chacun de ces NFT recevra la septième rebase et le airdrop correspondant, cela crée une opportunité d’arbitrage dont la variable principale est le temps, car on ne sait pas précisément quand la septième rebase sera lancée.
Tokens à venir
De nombreux projets sur Berachain n’ont pas encore lancé leur propre token, ce qui inclut les projets les plus importants comme Infrared, Kodiak ou BeraPaw. D’autres comme Dolomite viennent tout juste de l’annoncer. Ces lancements de tokens auront une grande importance pour la suite du développement de l’écosystème et pour deux raisons.
La première est que ces tokens seront utilisés pour la gouvernance de ces projets ce qui permettra à n’importe qui de pouvoir exercer son influence sur les tokens détenus par le projet. C’est notamment le cas pour Infrared et BeraPaw qui possède de grandes quantités de BGT. La détention de leur token permettra d’exercer du pouvoir sur l’allocation de ces BGT, ce qui permettra à des projets d’acquérir du pouvoir sur les BGT pour un prix plus attractif.
La seconde raison de l’importance de ces tokens est qu’ils seront utilisés pour inciter la liquidité sur les vaults. Comme on l’a vu plus tôt, les projets peuvent déposer des tokens dans les vaults (les bribes) pour pousser les validateurs à émettre des BGT vers ces pools, ce qui attire des fournisseurs de liquidité. Comme pour chaque BGT reçu, le montant des bribes est inférieur à un BERA, ce qui offre un effet de levier pour les projets. Ces bribes sont donc un moteur important de développement de l’écosystème de Berachain qui influent sur le rendement des vaults et donc la TVL qu’ils attirent. Il est fortement probable que Berachain regagne de l’activité lorsque ces projets majeurs lanceront leur token et le distribueront sous la forme de bribes.
Unlocks de BERA
À plus long terme, il est nécessaire de parler des premiers unlocks de tokens BERA qui auront lieu en février 2026. Ces unlocks profiteront principalement aux investisseurs privés qui ont investi dans Berachain ainsi qu’à l’équipe avec 56 millions de BERA libérés soit 50 % de la supply actuellement disponible. Comme il s’agit de libération de token connue à l’avance, son impact pourrait se faire sentir sur le prix dès la fin de 2025.
Perspectives
L’écosystème Berachain a connu une croissance fulgurante, portée principalement par la nouveauté du Proof of Liquidity et des rendements très importants. Cependant, Berachain subit actuellement une transition vers une phase de consolidation, qui est marquée par une saturation de la liquidité et une baisse des rendements, ainsi que des enjeux liés à sa gouvernance.
À court terme, le déblocage des fonds du programme Boyco pourrait entraîner une sortie de liquidité significative, susceptible d’amplifier la baisse récente des rendements, mais aussi de rééquilibrer certaines distorsions créées par l’afflux massif de capitaux. Ce retrait partiel pourrait ainsi assainir l’économie de Berachain et redonner de l’attractivité aux stratégies encore rentables.
L’arrivée des tokens de projets majeurs comme Kodiak ou Infrared sera également un tournant important. Ces lancements donneront lieu à de nouvelles dynamiques autour de l'accès à la gouvernance. Ils pourraient aussi faire renaître l'intérêt autour des vaults en injectant de nouvelles bribes, ce qui relancerait l'activité sur la chaîne.
À moyen terme, le poids croissant d’acteurs comme Infrared soulève des questions de centralisation, notamment en ce qui concerne le contrôle de la validation des blocs, l’émission de BGT et l’influence sur l’ensemble de l’économie de la chaîne. Malgré des tentatives intéressantes comme celle de BeraPaw, il peu probable que les quasi monopoles établis par Infrared et Kodiak s'estompent dans les prochains mois.
Enfin, à plus long terme, les premiers unlocks de BERA prévus pour début 2026 pourraient bouleverser l’équilibre actuel. Le Proof of Liquidity est effectivement un mécanisme intéressant, mais aucun consensus, aussi astucieux soit-il, n'a la capacité de mitiger l'inflation d'un token. Si le réseau ne connaît pas de croissance véritable de son activité, le token BERA en sera impacté négativement.