17 septembre 2025

Au coeur de la vision du “Arbitrum Everywhere” se trouve Arbitrum Nitro, une stack technologique modulaire permettant à quiconque de construire sa propre blockchain entièrement personnalisable, des Orbit Chains. Dans cette analyse, nous examinons les éléments technologiques d’Arbitrum Nitro et les cas d’usages des Orbit Chains.
Arbitrum Nitro est un framework d’Optimistic Rollup développée par OffChain Labs, la société derrière la blockchain Arbitrum. Il permet aux développeurs de créer et personnaliser des blockchains de layer 2 et layer 3, appelées Orbit Chains.
Celles-ci peuvent être de deux types : soit des layer 2 dont le settlement est directement sur Ethereum, soit des layer 3 dont le settlement est sur n’importe quelle layer 2 d’Ethereum, comme Arbitrum One par exemple.
L’introduction de Nitro a marqué une amélioration majeure dans la manière dont Arbitrum interagit avec Ethereum. En se rendant compatible avec du code basé sur WebAssembly (WASM), Nitro a permis à des smart contrats hautes performances écrits en Rust, C ou C++ de fonctionner aux côtés des smart contrats EVM traditionnels.
Concrètement, WASM a remplacé la Arbitrum Virtual Machine (AVM) classique comme couche d’instruction de base. L’implémentation Go de Geth (le client Ethereum le plus utilisé) est compilée en WASM et exécutée dans Nitro, tandis qu’ArbOS (la couche système d’exploitation d’Arbitrum) coordonne l’exécution et gère la comptabilité du gas, la sécurité et les autres fonctions propres aux L2.
À noter qu’en intégrant le code principal de Go de Geth, Nitro prend en charge les structures de données, les formats et les machines virtuelles d'Ethereum, tout simplement car l'utilisation de Geth comme library assure la compatibilité avec Ethereum.
L’un des avantages principaux d’Arbitrum Nitro, ayant contribué à sa croissance, est la flexibilité technologique. En effet, les Orbit Chains sont ultra personnalisables et peuvent se déployer au-delà de l’écosystème Ethereum et notamment sur d’autres layer 1, à l’exemple de TON (Duck Chain), Berachain (Pretzel Layer) ou encore HyperEVM (Hyperliquid L1).
Les développeurs peuvent personnaliser leur réseau selon les besoins de leur protocole : débit des transactions (throughput), confidentialité, tokens de gas personnalisés (n’importe quel ERC-20), gouvernance, precompiles, couches de disponibilité des données, etc.
La stack technologique d’Arbitrum Nitro permet également aux développeurs de construire leurs réseaux en tant que Rollup ou AnyTrust chains, avec pour différence principale un compromis entre décentralisation et performance.
En accélérant le settlement et en réduisant les coûts, les AnyTrust privilégient la performance plutôt qu’un alignement strict avec Ethereum, ce qui en fait davantage des couches de scalabilité spécifiques aux applications (dApps) que de “vrais” L2 d’Ethereum.
Un autre avantage est que, contrairement aux Optimistic Rollups, qui nécessitent une période de 7 jours avant les retraits, les AnyTrust chains permettent des retraits rapides via un comité de validateurs. Lorsque le comité approuve unanimement une transaction, il contourne la période d’attente et réduit les retraits à 15 minutes seulement. Pour votre information, Arbitrum One est un rollup, tandis qu’Arbitrum Nova est une AnyTrust chain.
La conception de Nitro peut être décomposée en plusieurs éléments clés, que vous pouvez retrouver dans l’infographie ci-dessous et que nous allons présenter dans la suite de cette section.

Le Sequencer est un composant central, chargé d’ordonner et de traiter efficacement les transactions. Il organise les transactions entrantes, les regroupe en lots, les compresse, puis publie les données résultantes sur la chain principale (généralement Ethereum pour les chaînes L2, ou une autre pour les L3). Ce processus optimise à la fois les coûts de transaction et les performances du réseau.
Dans Nitro, les transactions sont d’abord organisées en une séquence unique et ordonnée. Ensuite, Nitro s’engage sur cette séquence et les transactions sont finalement exécutées dans cet ordre via une State Transition Function (STF) déterministe.
Normalement, les données de transaction passent par un Load Balancer avant d’atteindre le sequencer. En revanche, en cas de panne du sequencer, les utilisateurs disposent d’une solution de secours : ils peuvent inclure leurs transactions directement sur la chain Arbitrum, sans passer par le sequencer.
Cela se fait en envoyant les transactions directement au Delayed Inbox contract sur la chain principale. Ainsi, les utilisateurs conservent une flexibilité supplémentaire, garantissant que leurs transactions puissent être traitées même si le sequencer est indisponible ou s’ils choisissent de ne pas l’utiliser.
Au cœur du système, la State Transition Function (STF) est primordiale pour suivre constamment l’état du réseau. Concrètement, la STF prend l’état actuel de la blockchain (une capture des soldes des adresses, des données des smart contracts et toutes autres informations importantes). Ensuite, elle va prendre un input (une transaction ou lot de transactions), puis calcul de manière déterministe le nouvel état de la blockchain suite à l’exécution de ces transactions.
La nature déterministe de ce processus est essentielle car elle garantit que tous les nœuds du réseau décentralisé aboutissent au même résultat lorsqu’ils traitent les transactions, préservant ainsi le consensus du système.
Dans Nitro, les transactions off-chain sont traitées par lots via la STF, qui soumet ensuite périodiquement un résumé concis des changements d’état à la chain principale. Cette exécution off-chain permet d’augmenter le débit de transactions et de réduire les frais de gas, tout en restant ancrée dans le modèle de sécurité d’Ethereum.
Pour se prémunir contre toute exécution incorrecte ou malveillante, Arbitrum utilise un mécanisme de contestation appelé fraud proofs. En cas de litige, la STF peut être recalculée étape par étape on-chain, permettant au réseau de vérifier la validité des calculs off-chain et de corriger toute erreur ou tentative frauduleuse.
À noter que la Nitro Stack est une version légèrement modifiée de la STF d’Ethereum, avec une différence clé : l’introduction de Stylus (nous en parlerons par la suite).
Le mécanisme de validation et de preuve d’Arbitrum Nitro assure l’intégrité de l’exécution off-chain tout en maintenant les garanties de sécurité d’Ethereum. En tant qu’Optimistic Rollup, Arbitrum part du principe que les transactions sont exécutées correctement, sauf contestation. Autrement dit, les transactions s’exécutent de manière optimiste, tandis que les changements d’état peuvent être vérifiées on-chain si nécessaire.
Nitro garantit à la fois une exécution rapide et une vérification minimisant la confiance. Pour cela, le même code source est compilé deux fois : en code natif (utilisé pour la preuve, pensé pour la portabilité et la sécurité), en WASM (utilisé pour l’exécution sur un nœud Nitro, optimisé pour la vitesse).
Introduit en 2024, Stylus est la mise à jour qui a apporté une machine virtuelle basée sur WASM. Au cœur de cette évolution, Stylus introduit le paradigme du MultiVM rollup, où les applications EVM existantes continuent de fonctionner sans modification, tout en offrant aux développeurs de nouveaux outils, sans sacrifier la compatibilité avec Ethereum.
Concrètement, Stylus permet l’exécution de smart contracts non-EVM écrits dans des langages comme Rust, C ou C++, qui peuvent interagir entre eux et avec des contrats EVM (par exemple, un contrat en Solidity peut appeler un contrat en Rust). En s’appuyant sur des langages familiers à des millions de développeurs Web2, Stylus élargit considérablement le champ de possibilités.
Cependant, cette exécution, bien que très flexible, reste incompatible avec la vision native des rollups Ethereum, car les calculs basés sur WASM ne peuvent pas être vérifiés directement par l’EVM d’Ethereum.
Ce que permet Stylus :
La seconde grande nouveauté est BoLD (Bounded Liquidity Delay), introduit en février 2025. Ce protocole permet une validation permissionless sur les blockchains L2 de l’écosystème Arbitrum, renforçant ainsi la décentralisation et la sécurité du réseau.
Concrètement, BoLD permet à n’importe qui de devenir validateur, sans autorisation préalable, en s’alignant ainsi avec l’éthos de décentralisation d’Ethereum.
Alors que les fraud proofs interactifs étaient nécessaires pour atteindre la “décentralisation de stade 1” (selon les niveaux définis par Vitalik), BoLD modernise ce mécanisme de preuve de fraude grâce à un système de résolution des litiges contraint dans le temps : les litiges doivent être résolus en 12 jours maximum sur les chains de l’écosystème Arbitrum.
Cela offre une protection supplémentaire contre certains vecteurs d’attaques, comme le déni de service. En effet, un validateur malveillant pouvait auparavant retarder indéfiniment les retraits et confirmations. Désormais, un seul validateur honnête suffit pour protéger le réseau contre un séquenceur malveillant. À noter toutefois : le délai de 7 jours pour les retraits cross-chain (bridging) reste inchangé.
En avril 2025, Arbitrum a introduit Timeboost, une politique optionnelle d’ordonnancement des transactions. Traditionnellement, les blockchains (y compris Arbitrum) traitent les transactions selon le modèle First-Come, First-Served (FCFS), vulnérable aux attaques de MEV (Maximal Extractable Value).
Timeboost modifie ce modèle en ajoutant environ 250 millisecondes de latence pour créer une “voie express” pour les transactions, attribuée via un système d’enchères.
Ce mécanisme a déjà traité des centaines de milliers de transactions, notamment dans le trading haute fréquence sur la DeFi. Aujourd’hui, 20 à 30 % du volume quotidien des DEX sur Arbitrum passe par Timeboost.
En priorisant les transactions de la voie express, Timeboost réduit la congestion et décourage les courses de latence inutiles. Cette innovation de captation du MEV par un système d’enchères équitables est considérée comme un succès, ayant déjà généré 3,63 millions de dollars de revenus.
Enfin, le DeFi Renaissance Incentive Program (DRIP), lancé le 3 septembre 2025, vise à stimuler l’activité DeFi sur Arbitrum One afin de renforcer la liquidité organique.
Le programme se déploie en quatre saisons, chacune ciblant un secteur spécifique de la DeFi. La première saison met l’accent sur le leverage looping, où les utilisateurs gagnent des ARB en empruntant contre des actifs générateurs de rendement : ETH stakés, dérivés de Pendle, stablecoins comme sUSDC, USDe, weETH ou wstETH, via les plateformes de lending participantes.
DRIP est propulsé par Merkl, avec Entropy Advisors en tant que gestionnaires. Le programme prévoit environ 40 millions de dollars (80 millions d’ARB) d’incentives distribués aux utilisateurs.
Comment participer :
Les Orbit Chains d’Arbitrum sont un écosystème de chains personnalisées, construites avec la stack Nitro et gouvernées par ArbitrumDAO. Toutes ces chains peuvent bénéficier des programmes d’investissement de l’écosystème Arbitrum. Elles représentent la première étape de la vision “Arbitrum Everywhere”, qui positionne Arbitrum comme une couche d’infrastructure centrale pour une grande variété d’applications.
Arbitrum Orbit a été lancé en octobre 2023. Les prestataires de Rollup-as-a-Service (RaaS) comme Caldera, Gelato, Conduit, Alchemy et AltLayer ont rapidement adopté le processus, soutenant le lancement de chains comme ApeChain, Proof of Play ou encore ReyaChain.

La cartographie de l’écosystème montre qu’Arbitrum a trouvé une adoption concrète dans plusieurs verticaux clés : DeFi, infrastructure, intelligence artificielle, RWA et gaming. Aujourd’hui, 49 Orbit Chains actives sur mainnet totalisent 21 milliards de dollars d’actifs bridgés. Parmi les plus importantes en TVL :
Plusieurs projets annoncés mais pas encore live devraient également participer à la croissance de l’écosystème d’Arbitrum Orbit :
Le succès d’Arbitrum est un symbole de la rencontre entre innovation technologique et dynamique économique positive. Sa stack continue d’évoluer grâce à Stylus, BoLD et Timeboost, qui ouvrent de nouvelles possibilités aux développeurs pour construire des dApps spécialisées.
Avec plus de 14 milliards de dollars bridgés vers l’écosystème Orbit, plus de 9 000 développeurs actifs et des frais de transaction bas sur l’ensemble des réseaux, Orbit est un élément central dans l’écosystème Ethereum au sens large.
Ensemble, les Orbit Chains et Arbitrum One incarnent la vision “Arbitrum Everywhere”. La prochaine étape est celle d’une véritable “Digital Sovereign Nation” : un écosystème décentralisé doté de sa propre économie, de sa gouvernance et de ses infrastructures, permettant aux communautés d’opérer de manière autonome dans le cadre d’Arbitrum.