Wrapped Bitcoin (BTC) : Vue d'ensemble des alternatives de wrapping (cbBTC, tBTC, sBTC)
27 novembre 2024

Au cours des dernières semaines, le Wrapped Bitcoin (WBTC) a fait face à des critiques sur la centralisation de sa gestion. Dans cette analyse, explorons ensemble les solutions alternatives de wrapping de Bitcoin.
Introduction et contexte
Lors du développement de la finance décentralisée (DeFi) en 2017, Ethereum s’est rapidement confronté au fait que Bitcoin (BTC) n’est pas conçu pour être programmable et intéropérable. Ainsi, malgré le fait que cela soit l’actif numérique le plus capitalisé, il était impossible de permettre aux utilisateurs l’utiliser dans ce nouvel écosystème d’applications en développement.
Ainsi, des solutions de “wrapping” ont émergé pour répondre à ce problème. En 2018, les entreprises BitGo, Kyber Network et Ren Protocol se sont associées pour lancer le Wrapped Bitcoin (WBTC). Ce dernier est un token ERC-20 compatible avec Ethereum et répliquant le cours du Bitcoin.
Le but du Wrapped Bitcoin est de pallier aux limitations techniques de Bitcoin, notamment les coûts importants et les délais élevés en période de congestion du réseau, tout en permettant d’élargir l’utilisation du BTC au-delà de sa fonction traditionnelle de réserve de valeur. Ainsi, Ethereum pouvait désormais bénéficier des liquidités disponibles en bitcoins pour booster la croissance de l’écosystème de DeFi.
Toutefois, les récents évènements ont levé des doutes sur la sécurité et la fiabilité du WBTC. D’abord en 2022 suite à la faille de FTX et Alameda Research, Ren a été dans l’obligation de clôturer le bridge associé au renBTC. Ensuite, BitGo a annoncé que le WBTC serait désormais co-géré par BiT Global, une firme liée à Justin Sun, ce qui a soulevé des questions sur la centralisation de l’actif.
Dans ce contexte, de nouvelles solutions émergent et mettent la lumière sur le fonctionnement des protocoles permettant de transférer des bitcoins sur d’autres blockchains. Dans cette analyse, nous vous proposons une comparaison des principales solutions de wrapping de Bitcoin, en examinant leurs niveaux de décentralisation, de sécurité et d’adoption, ainsi qu’en mettant en lumière les compromis dans ces différentes approches.
Les différents types de wrapping de Bitcoin
Les solutions de wrapping de Bitcoin se distinguent par leurs approches techniques, qui influencent directement leur niveau de sécurité, de décentralisation et d’utilité pour les utilisateurs. Voici les principaux types de wrapping identifiés :
Techniques de wrapping
Les solutions centralisées, comme le Wrapped Bitcoin (wBTC) ou le Coinbase Bitcoin (cbBTC), reposent sur des entités tierces pour la conservation et la gestion des actifs. Ces approches offrent une simplicité opérationnelle pour les utilisateurs et une plus grande compatibilité avec les blockchains, puisque leur déploiement est extrêmement simple. Néanmoins, elles introduisent des risques de centralisation : ce sont les entreprises qui peuvent créer et détruire sur demande des nouveaux “wrapped” Bitcoin.
Les solutions hybrides, comme renBTC utilisent un mélange de mécanismes centralisés (pour certaines fonctions) et de protocoles décentralisés pour gérer les dépôts et la création de tokens. Ce modèle vise à équilibrer la sécurité et la décentralisation, mais il peut être vulnérable à des défaillances structurelles, comme celles observées avec Ren après la chute d'Alameda Research.
Les tokens synthétiques, tels que sBTC, ne nécessitent pas de verrouiller des BTC réels. À la place, des actifs équivalents sont déposés comme collatéral pour émettre des tokens indexés sur le Bitcoin. Bien que cette méthode réduise les risques de garde, elle repose sur des mécanismes complexes qui augmentent les risques liés aux smart contracts ou à la volatilité des actifs en réserve.
Les solutions “trust-minimized” comme tBTC cherchent à minimiser la confiance nécessaire en s’appuyant sur des mécanismes décentralisés. Bien qu’elles soient plus conformes aux principes de l’écosystème, leur adoption reste encore limitée en raison de leur complexité technique. Effectivement, ce solutions sont aussi plus compliquées à déployer sur les applications de DeFi.
Comparaison des mécanismes
Chaque approche présente des compromis :
- Fonctionnement : Les solutions centralisées simplifient la création (minting) et le rachat (burn) des wrapped bitcoins en ayant la main sur le processus, tandis que les alternatives trust-minimized ajoutent des étapes pour garantir la décentralisation.
- Décentralisation : Les modèles centralisés souffrent de points de défaillance uniques, tandis que les solutions trust-minimized s’efforcent d’éliminer cette dépendance, souvent au prix d’une adoption plus lente.
- Risques associés : Les solutions centralisées sont exposées aux régulations et aux malversations potentielles des tiers, tandis que les alternatives synthétiques et hybrides doivent relever des défis liés aux vulnérabilités des smart contracts et à la complexité des modèles de gouvernance.
Ces distinctions fondamentales entre les techniques de wrapping structurent le paysage des solutions disponibles, permettant aux utilisateurs de choisir en fonction de leurs priorités, qu’il s’agisse de simplicité, de sécurité ou de décentralisation.
Qu’est-ce que le Wrapped Bitcoin (WBTC) ?
Le Wrapped Bitcoin (WBTC), lancé en 2018, est une solution pionnière dans le domaine du wrapping de Bitcoin, permettant de rendre le BTC compatible avec Ethereum. Par extension, cela signifie que le WBTC a permis de rendre accessible la liquidité disponible en bitcoins sur les applications décentralisées (dApps) et les protocoles de finance décentralisée.
Fonctionnement
Chaque token WBTC est adossé à un BTC, stocké par des entités tierces, garantissant une parité en 1 pour 1. Ce sont ces entités qui assure la création et le rachat de BTC et de WBTC. Le processus de wrapping repose sur une “collaboration” entre trois acteurs principaux :
- L’utilisateur : il transfère ses BTC à un marchand.
- Le marchand : il se charge de transmettre les BTC au dépositaire et initie la création des WBTC.
- Le dépositaire : il conserve les BTC en sécurité et émet un nombre équivalent de WBTC.
Une fois émis, le WBTC peut être utilisé sur Ethereum et d'autres blockchains compatibles, telles que Tron ou des solutions de layer 2 comme Base. Il permet aux détenteurs de Bitcoin de participer à des activités comme le prêt, l'emprunt ou le trading tout en mobilisant les vastes liquidités du BTC dans des environnements programmables.
Avantages
- Interopérabilité : Le WBTC est la première initiative visant à relier Bitcoin à Ethereum et aux blockchains à smart contract en général, permettant aux utilisateurs de capitaliser sur leurs bitcoins.
- Accès à la DeFi : Les utilisateurs peuvent utiliser leurs BTC comme collatéral ou les intégrer dans des stratégies de yield farming sur des plateformes comme Aave, Curve ou Maker.
- Liquidité accrue : Le WBTC a évidemment permis d’améliorer la liquidité des protocoles DeFi sur Ethereum.
Limites et controverses
- Centralisation : Le modèle repose sur des dépositaires comme BitGo, ce qui introduit un point de défaillance unique et un risque de contrepartie. Les changements récents dans la gouvernance, incluant BiT Global (lié à Justin Sun), ont accentué les inquiétudes concernant la centralisation.
- Régulations : Les exigences de KYC imposées par la majorité des marchands vont à l’encontre des principes fondamentaux de la décentralisation.
- Controverses récentes : Les inquiétudes sur la gouvernance ont conduit MakerDAO à retirer progressivement le WBTC comme collatéral de son protocole SparkLend en 2024. De même, Coinbase a décidé de lister le WBTC de sa plateforme d’échange.
Avec une capitalisation dépassant 13 milliards de dollars, le WBTC reste la solution de wrapping la plus utilisée dans l’écosystème DeFi. Cependant, son modèle centralisé pousse certains utilisateurs et développeurs à explorer des alternatives trust-minimized, dont nous allons parler par la suite.

Les principales alternatives de wrapping de Bitcoin
Threshold Bitcoin (tBTC)
Lancé en 2020, le tBTC est une solution de wrapping décentralisée opérée par le réseau Threshold. Conçu comme une alternative “trust-minimized” au Wrapped Bitcoin (wBTC), tBTC vise à réduire les risques liés à la centralisation en s'appuyant sur un mécanisme de gouvernance communautaire et des signatures cryptographiques avancées.
Contrairement aux modèles centralisés, tBTC utilise une architecture où les Bitcoins déposés sont sécurisés par un ensemble d’opérateurs de nœuds participant au réseau Threshold. Ces opérateurs doivent atteindre un accord majoritaire avant toute action, réduisant ainsi les risques de manipulation ou d’éttaque malveillante. Par ailleurs, les étapes de minting et de rachat sont simplifiées :
- Pour émettre du tBTC : L’utilisateur génère une adresse de dépôt, transfère ses BTC, et initie la création de tBTC.
- Pour racheter ses BTC : L’utilisateur brûle ses tokens tBTC, spécifie une adresse de réception et reçoit ses BTC après validation.
Ce modèle repose sur un système de Guardians et de Minters. Les Guardians sont des acteurs de la communauté Threshold dont le rôle est de surveiller les transactions pour éviter les comportements frauduleux, tandis que les Minters, composés de DAOs comme Curve et Aave, gèrent les opérations de minting.
Pour rentrer un peu dans le détails, le tBTC utilise des signatures cryptographiques basées sur le calcul multipartite sécurisé (MPC). Ce mécanisme, introduit dans la version 2 (tBTC v2), remplace les anciennes adresses multisignatures par un modèle scalable nécessitant l’accord de 51 opérateurs sur 100. Bien que cela améliore la décentralisation, il reste encore partiellement permissionné en raison de limitations techniques (notamment l’incapacité actuelle à identifier les acteurs malveillants). À noter qu’une transition vers une gouvernance entièrement permissionless est en cours de développement.
Avec une valeur totale verrouillée (TVL) de 490 millions de dollars au moment de la rédaction de cette analyse, le tBTC reste loin derrière le wBTC en termes d’adoption. Cela est dû à l’ancienneté et à un fonctionnement plus complexe, mais ses frais plus faibles (0 % pour le minting, 0,2 % pour le rachat) en font un choix prometteur. À noter également que les déboires du WBTC ont permis à la TVL de grimper au cours des 2 derniers mois.
En résumé, le tBTC se positionne comme une solution plus alignée avec les principes de décentralisation de l’écosystème. Malgré des limitations techniques et une adoption modérée, le modèle trust-minimized est une alternative intéressante aux solutions centralisées, répondant à une demande croissante de solutions plus sécurisées et décentralisée dans l’écosystème DeFi.
Le Coinbase Bitcoin (cbBTC)
Lancé en septembre 2024, le cbBTC est la solution de wrapping de Bitcoin proposée par Coinbase. Conçu pour fonctionner principalement sur Base, le réseau Layer 2 d’Ethereum développé par Coinbase, cbBTC s’adresse principalement à une clientèle institutionnelle ou aux utilisateurs privilégiant la simplicité et la conformité réglementaire.
Le cbBTC repose sur un modèle entièrement centralisé, où Coinbase agit en tant que dépositaire unique des BTC et émet un montant équivalent de cbBTC sur Ethereum ou Base. Les mécanismes de minting et de rachat sont entièrement automatisés :
- Minting automatique : Lorsque des BTC sont transférés depuis un compte Coinbase vers une adresse sur Base ou Ethereum, ceux-ci sont automatiquement convertis en cbBTC.
- Rachat automatique : Inversement, les utilisateurs reçoivent leurs BTC en déposant des cbBTC dans leur compte Coinbase, où la conversion est effectuée en temps réel.
Ce processus simplifié élimine la nécessité d’intermédiaires comme les marchands, tout en intégrant cbBTC directement dans l’infrastructure existante de Coinbase.
Les avantages sont évidemment la simplicité et la rapidité pour les utilisateurs, puisque tout est automatisé et géré par Coinbase. Par ailleurs, le cbBTC est directement intégré dans l’infrastructure existante de Coinbase et s’appuye sur la crédibilité de l’exchange. La compatibilité avec l’écosystème Base est un atout majeur, notamment dû au fait que le layer 2 fait désormais partie des réseaux les plus utilisés.
En revanche, les inconvénients sont également notables. Le cbBTC dépend exclusivement de Coinbase pour la garde, l’émission et le rachat. Ce modèle introduit un risque de contrepartie et va à l’encontre des principes de décentralisation. Contrairement à d’autres solutions comme le wBTC, Coinbase ne publie pas encore de preuves de réserves en BTC garantissant le cbBTC, obligeant les utilisateurs à se fier aux audits internes de l’entreprise.

Le Stacks Bitcoin (sBTC)
La sBTC est une solution proposée par Stacks, un protocole de layer 2 de Bitcoin. Actuellement en phase de testnet, le sBTC est un actif qui devrait être intégré au réseau Stacks pour être utilisé dans les diverses applications décentralisées, tout en ayant une conversion facilité par le fait que le réseau repose sur Bitcoin.
Le sBTC est adossé à un ratio 1:1 avec le Bitcoin, garantissant que chaque token sBTC correspond à un BTC détenu en réserve. Contrairement aux modèles centralisés, le sBTC repose sur une infrastructure décentralisée et permet :
- La conversion de BTC en sBTC en trois blocs Bitcoin (~30 minutes).
- La conversion inverse de sBTC en BTC en six blocs (~60 minutes).
Dans sa phase initiale, un ensemble limité de signataires gère les opérations du protocole. À terme, l’objectif est de rendre le système entièrement permissionless, éliminant le besoin d’une entité centralisée pour la garde des actifs. De plus, la technique de "Bitcoin Write" du sBTC permet d'inscrire des transactions directement sur la blockchain Bitcoin, dans un fonctionnement similaire au L2 d’Ethereum.
L’avantage principale est d’apporter la programmabilité à Bitcoin, permettant d’utiliser cet actif dans des applications de DeFi basée sur Stacks. Le sBTC bénéficie de la sécurité du réseau Bitcoin et adopte un mécanisme décentralisé et permissionless, ce qui dénote des solutions centralisées.
En revanche, le sBTC est conçu principalement pour être utilisé sur Stacks, limitant son interopérabilité avec d'autres blockchains. Bien que des intégrations, comme celle avec Aptos annoncée en septembre 2024, soient prévues, cela ne résout pas complètement le problème. À noter également que pendant la période de lancement, le protocole repose sur un ensemble restreint de signataires.
Conclusion
Les solutions de wrapping de Bitcoin ont transformé l’écosystème crypto en permettant d’intégrer l’actif le plus liquide dans des blockchains programmables. Grâce à des approches centralisées, hybrides ou trust-minimized, elles répondent aux défis d’interopérabilité entre Bitcoin et d’autres réseaux. Cependant, ces méthodes impliquent des compromis entre sécurité, décentralisation et contrôle des utilisateurs.

Actuellement, le Wrapped Bitcoin (WBTC) domine le marché avec plus de 85 % des parts du secteur, grâce à son rôle de pionnier, sa simplicité et son adoption massive dans les protocoles majeures de la DeFi. Néanmoins, les récents évènements ont suscité des inquiétudes quant à sa centralisation et les risques inhérents à la conservation des bitcoins.
D’autres solutions comme le tBTC ou le futur sBTC offrent des alternatives plus alignées avec les principes de décentralisation de l’écosystème, mais peinent pour le moment à rivaliser en termes de liquidité et d’intégration. L’avenir de ce secteur de marché repose sur la capacité des protocoles à équilibrer liquidité, sécurité et décentralisation.