Movement (MOVE) : La première layer 2 d’Ethereum sur la MoveVM

21 février 2025

Movement (MOVE) : La première layer 2 d’Ethereum sur la MoveVM

La scalabilité d’Ethereum est un problème de longue date. Malgré l’émergence des Optimistic Rollups comme Arbitrum ou Optimism, l’écosystème demeure encore peu scalable. Et si le problème venait de l’EVM ? Et s’il fallait remplacer ce dinosaure par un langage et une machine virtuelle plus performante ? C’est la proposition de Movement (MOVE) et de la MoveVM.

Qu’est-ce que Movement (MOVE) ?

Movement Network est un réseau de blockchains basées sur Ethereum qui sont modulaires grâce à la MoveVM, une machine virtuelle utilisant le langage de programmation Move et compatible avec l’Ethereum Virtual Machine (EVM).

Le projet est mené par Movement Labs, une société basée à San Francisco et fondée par Rushi Manche et Cooper Scanlon. Depuis le lancement en 2023, Movement Labs a levé un total de 41,4 millions de dollars via un tour de pre-seed et deux tours de financement.

Le produit principal développé par Movement Labs est le Movement Mainnet, la première blockchain à rejoindre le Movement Network. Celle-ci intègre les composantes principales de la Move Stack, le framework permettant de construire les blockchains modulaires basées sur Ethereum qui rejoindront le Movement Network.

Dans la suite ce rapport, nous allons étudier chacun de ces composants essentiels à la compréhension de la proposition de valeur de Movement :

  • Le Movement Network
  • La Move Stack
  • Le Movement Mainnet

La thèse de Movement Labs

Il est souvent reproché à Ethereum d’être lent et coûteux, ce qui s’avère vrai lorsqu’on observe ce qui se fait chez d’autres réseaux équivalents comme Solana, Sui ou encore Aptos. Les performances d’Ethereum sont de l’ordre de 15 à 20 TPS (transactions par seconde), bien loin derrière les 1100 TPS de Solana.

Afin de résoudre cette problématique, la Fondation Ethereum a décidé de favoriser le développement de solutions de layer 2. Cette roadmap, dite « rollup-centric », repose sur le fait que les utilisateurs passeront désormais par ces solutions pour effectuer leurs transactions, tout en bénéficiant de la sécurité et de la décentralisation de la couche principale Ethereum.

Malgré cette roadmap rollup-centric, l’écosystème de layer 2 d’Ethereum reste assez lent, notamment en comparaison de certaines blockchains orientées sur la performance. À titre indicatif, en incluant les layer 2 dans le calcul de performance, Ethereum atteignait environ 330 TPS en octobre 2024, ce qui est bien loin des 12 000 TPS qu'une blockchain comme Aptos peut atteindre (même si en réalité, elle n'atteint qu'environ 35 TPS en raison de sa faible utilisation).

Face à ce constat, certaines initiatives ont commencé à émerger pour repenser le système en créant des rollups reposant sur une AltVM, à savoir une machine virtuelle alternative à celle d'Ethereum. L’idée est de pouvoir bénéficier de la sécurité d’Ethereum et du réseau des rollups tout en profitant de la performance des L1 alternatifs.

Movement Labs s’inscrit dans cette ambition en proposant un écosystème de blockchains de layer 2 d’Ethereum conçue sur une nouvelle machine virtuelle : la MoveVM. La première blockchain à rejoindre cet écosystème est Movement Mainnet, dont nous allons parler dans cet article.


Architecture et technologie

Le Movement Network est un réseau de blockchains interconnectées et construites en utilisant la même architecture. Celles-ci reposent sur la MoveVM, une machine virtuelle qui est conçue avec le langage de programmation Move et qui est compatible avec l’Ethereum Virtual Machine.

Le Move Stack

Les blockchains au sein du Movement Network est construite avec le même framework, la Move Stack. Cette dernière est composée d’un ensemble de 3 principaux modules que nous allons détailler dans la suite de cette section : le Move Executor, le Decentralized Shared Sequencer (DSS) et le Fast Finality Settlement (FSS).

La première blockchain au sein du Movement Network est le Movement Mainnet, développée par l’équipe de Movement Labs. C’est le produit phare qui permet de mettre en avant la technologie développée par la fondation.

D’une certaine manière, Movement Network peut être comparé à la Superchain d’Optimism : cela correspond à l’appellation du réseau de blockchains conçues en utilisant la même stack (Move Stack pour Movement, OP Stack pour Optimism).

La Move Stack est un framework modulaire qui permet de créer des blockchains basées sur Move, tout en étant sécurisées par Ethereum. Elle offre des outils et composants standardisés pour concevoir des blockchains personnalisables et performantes.

move-stack.webp

Le Move Executor

L'un des atouts majeurs du Movement Network est sa capacité à prendre en charge les smart contracts construits sur la MoveVM ainsi que ceux conçus sur l'EVM. Cette compatibilité est assurée par le Move Executor, un moteur d'exécution qui agit comme une couche d'intégration entre la MoveVM et l'EVM, capable de traiter et d'exécuter le bytecode des deux environnements.

Pour faire simple, le Move Executor traite les transactions issues du memepool et les distingue en fonction de leur type, à savoir Move ou EVM. Elles sont ensuite converties pour être exécutées sur la MoveVM et pour ainsi bénéficier des avantages de rapidité et de fiabilité. Autrement dit, cela revient à fournir une sorte de “parallel EVM”.

Le Fast Finality Settlement (FFS)

Le Fast Finality Settlement (FFS) est un système de validation des transactions, relativement similaire à celui d’Ethereum ou d’autres layer 2, qui repose sur un mécanisme de staking. Néanmoins, il est conçu pour être particulièrement rapide avec une finalité des transactions en quelques secondes seulement.

Ce module est probablement le plus complexe à appréhender et nous vous invitons à consulter le whitepaper de Movement si vous souhaitez approfondir. Ce qu’il faut retenir :

  • Des validateurs mettent en jeu des tokens (staking) pour sécuriser le réseau.
  • Une transaction est validée si 2/3 des validateurs l’approuvent.
  • Si un validateur triche, il perd ses tokens (slashing).
  • Les transactions deviennent définitives en quelques secondes, contrairement aux autres systèmes comme les ZK-rollups (20-30 min) ou les Optimistic rollups (7 jours).

Un réseau de séquenceurs décentralisés partagés (DSS)

Le Movement Network repose sur un réseau de séquenceurs décentralisés et partagés, ce qui le distingue de la majorité des solutions de Rollups dont les séquenceurs sont entièrement centralisés entre les mains de l’équipe.

Pour rappel, un séquenceur est une entité qui a pour rôle de traiter, organiser et publier les transactions effectuées sur une layer 2 avant qu’elles ne soient inscrites sur Ethereum. Pour faire simple :

  • Il reçoit les transactions des utilisateurs et les organise dans un certain ordre avant de les inclure dans un bloc du layer 2.
  • Celles-ci sont exécutées et créent un nouvel état propre au layer 2.
  • Enfin, le séquenceur regroupe les données principales des transactions dans un lot avant de les soumettre au smart contract du Rollup sur Ethereum.

Le séquenceur est un élément crucial pour un layer 2 et sa décentralisation permet de contrer certaines failles potentielles du système. D’abord, cela permet de réduire le risque de défaillance unique, puisque si le séquenceur tombe en panne pour une raison quelconque, les utilisateurs ne peuvent plus utiliser le layer 2.

Ensuite, cela permet d’éviter la censure des transactions car le séquenceur unique pourrait refuser d'inclure certaines transactions par pressions réglementaires ou gouvernementales, ou bien encore pour favoriser certains acteurs du marché.

Évidemment, ce ne sont que quelques exemples parmi tous les enjeux liés à la centralisation du séquenceur d'un layer 2, mais que ce soit la manipulation ou encore l'exploitation de la MEV, d'un point de vue idéologique, un séquenceur décentralisé est préférable.

Multi-asset staking

Le FFS (système de validation des transactions) et le DSS (le réseau de séquenceurs) utilisent tous les deux un mécanisme de Proof of Stake. Comme vous le savez, l’idée est d’inciter les utilisateurs à placer leurs actifs (souvent, le token natif du réseau) en staking pour prouver leur implication.

Néanmoins, ce mécanisme de staking est, dans la majorité des cas, un modèle “single-asset staking”. Autrement dit, ils sont obligés de détenir le token natif d’un réseau pour contribuer à son fonctionnement et à sa sécurisation.

L’idée de Movement est de proposer un schéma de “multi-asset staking”, reposant sur un pool de liquidité (aussi appelé staking pool) composé d’une multitude de tokens différents. Le but est de permettre aux séquenceurs et aux validateurs de choisir le token qu’ils préfèrent pour sécuriser le réseau.


Focus sur le Movement Mainnet

Movement Mainnet est la première blockchain de layer 2 conçu sur la Move Stack et intégrée au sein du Movement Network. Elle repose donc sur la machine virtuelle MoveVM et propose une compatibilité avec l’EVM, avec une capacité théorique annoncée à 297 000 TPS.

Un langage taillé pour la performance

Le langage Move vient d'un ancien projet développé par Facebook puis abandonné pour des questions de régulation. L'équipe chargée du projet avait eu le temps de développer son propre langage, et malgré l'abandon du projet, le langage a survécu et a été repris par des projets comme Aptos ou encore Sui et évidemment Movement.

Move est un langage Resource-Oriented Programming (Programmation Orientée Ressources). Contrairement à Solidity qui est utilisé sur Ethereum où les tokens sont de simples entrées dans un registre, sur Move, chaque actif (ex. un token, un NFT) est un objet unique avec des propriétés et des comportements spécifiques, ce qui a l'avantage d'éviter des erreurs :

  • Le token ne peut être dupliqué (supprime le double-spending).
  • Le token ne peut être supprimé accidentellement (garantie de conservation).
  • Le token est déplaçable uniquement via des opérations explicites (transfert sécurisé).

Le langage Move est sécurisé par un système de typage statique et formel, ce qui signifie que tous les types sont vérifiés à la compilation, réduisant les erreurs à l’exécution. Pour être plus clair, grâce à ce type de sécurité, on évite des  erreurs courantes avec Solidity comme les reentrancy attacks : une faille courante dans les smart contracts mal protégés.

De plus, Move est fortement inspiré du Rust, dont il partage sa gestion de la mémoire efficiente mais aussi d'une dépendance de données explicites, qui définit explicitement les données nécessaires à chaque transaction, ce qui facilite l'exécution parallèle des transactions.

Stocker la donnée ailleurs pour plus de scalabilité

Certains rollups choisissent de stocker la donnée off-chain, en dehors de la blockchain principale Ethereum. Cette stratégie comporte des risques accrus, car il faut s'appuyer sur un acteur viable pour stocker la donnée, mais elle permet aussi d'améliorer considérablement la scalabilité du rollup.

Movement Mainnet utilise Celestia pour le stockage des données de transaction, ce qui permettrait (d’après Conduit) de réduire les coûts de stockage de 64% par rapport à Ethereum.


Les limites de Movement

Bien que Movement soit un projet très prometteur sur le plan technique, il doit encore faire ses preuves et montrer qu'il réussira à faire face à des enjeux tels que :

  1. Un écosystème incertain

Même si Movement met en avant plus de 150 projets sur son site, cela ne garantit pas une adoption massive. La réussite d’un Layer 2 ne repose pas uniquement sur sa technologie, mais aussi sur l’intérêt des développeurs et des utilisateurs. L’absence de dApps majeures et de TVL (Total Value Locked) significative pourrait limiter son attractivité face aux L2 déjà établis comme Arbitrum ou Base.

  1. Une adoption limitée du langage Move

Malgré ses nombreux avantages en termes de sécurité et de performance, Move reste un langage encore peu utilisé. Les développeurs blockchain sont majoritairement formés à Solidity, et la transition vers Move pourrait représenter une barrière d’entrée. Sans incitations suffisantes, Movement risque de manquer d’une communauté de développeurs robuste.

Sur ce point, Movement peut tirer son épingle du jeu grâce au Move Executor qui facilite la transition des développeurs d’Ethereum en convertissant le code Solidity en bytecode lisible par la MoveVM.

  1. La dépendance à Celestia pour la DA

Movement utilise Celestia pour le stockage des données off-chain afin d’améliorer la scalabilité et de réduire les coûts. Cependant, cette dépendance à une infrastructure externe soulève des questions sur la fiabilité et la résilience du réseau. Tout problème lié à Celestia (pannes ou des changements de tarification) pourrait impacter directement Movement.


Conclusion

Movement est un projet ambitieux qui, contrairement à ce que beaucoup pourraient résumer, ne se limite pas à être une simple nouvelle layer 2 avec une AltVM visant à scaler Ethereum. C’est aussi un écosystème de blockchains basé sur le langage Move et la Move Stack, développée par Movement Labs.

En s’éloignant de l’EVM et en misant sur Move, Movement cherche à concilier performance, sécurité et modularité tout en garantissant une interopérabilité avec Ethereum. Avec le Movement Network, l’équipe ambitionne de développer un véritable écosystème de blockchains construites sur la même base que Movement Mainnet, bénéficiant des performances de scaling du rollup, tout en permettant aux projets de personnaliser à leur guise des composants clés de leur infrastructure, tels que la DA ou encore le type de rollup utilisé.

Cependant, malgré des avantages technologiques indéniables, plusieurs défis restent à relever : l’adoption du langage Move, la construction d’un écosystème robuste et la concurrence avec des L2s déjà bien établis comme Arbitrum, Base ou zkSync. Le plus important selon nous sera sa capacité à construire un écosystème résilient au-delà des incentives économiques.

Si Movement parvient à surmonter ces défis et à prouver sa valeur en conditions réelles, il pourrait devenir un acteur incontournable dans la roadmap rollup-centric de Ethereum. Dans le cas contraire, il risque de rester un projet ambitieux mais confiné à une niche technologique, sans adoption massive.