HyperUnit : le moteur invisible mais essentiel de Hyperliquid
7 mai 2025

HyperUnit (ou Unit) est une infrastructure de tokénisation intégrée à Hyperliquid, conçue pour simplifier les dépôts et retraits d’actifs entre blockchains. Moins visible que le DEX Hyperliquid lui-même, Unit est pourtant un module central de son écosystème. Découvrez le rôle, le fonctionnement, l’architecture et les perspectives de HyperUnit.
Qu’est-ce que HyperUnit ?
HyperUnit (souvent abrégé en Unit) est un protocole de tokénisation développé en partie par l’équipe de Hyperliquid et conçue pour assurer la gestion décentralisée des transferts d’actifs entre blockchains.
Le rôle de Unit est de permettre aux utilisateurs de déposer ou retirer des actifs depuis Hyperliquid sans recourir à un exchange centralisé ou à un bridge tiers, tout en maintenant un haut niveau de sécurité et de conformité.
Contrairement à la majorité des solutions de bridges, Unit ne s’appuie ni sur des custodians centralisés, ni sur des actifs synthétiques. Au contraire, il fonctionne comme une infrastructure de tokénisation native : lorsqu’un utilisateur dépose un actif depuis une autre blockchain, le protocole vérifie, signe et initie la création de son équivalent natif directement sur Hyperliquid.
Note : Pour être plus précis, Unit permet le dépôt et le retrait d’actifs sur HyperCore, à savoir le réseau supportant le DEX de Hyperliquid. Les transferts vers HyperEVM sont ensuite assurés par le fonctionnement de la L1 Hyperliquid.
Finalement, Unit agit comme une surcouche d’infrastructure qui orchestre les transferts cross-chain, en s’appuyant sur un réseau distribué de nœuds appelés Guardians. Ces opérateurs valident et exécutent les actions des utilisateurs (dépôts, retraits, contrôles d’accès), tout en garantissant que les fonds restent traçables, vérifiés et non custodials.
Le rôle essentiel de Unit
HyperUnit ne se limite pas à une simple infrastructure de dépôt et de retrait. Il s’agit d’un composant stratégique clé dans la thèse d’Hyperliquid, dont l’ambition est de devenir The House of All Finance. Autrement dit, un environnement on-chain capable de rivaliser avec des plateformes centralisées comme Binance.
Or, cette ambition ne peut se concrétiser sans une infrastructure native de tokénisation d’actifs, capable de relier Hyperliquid aux autres blockchains tout en garantissant une expérience utilisateur fluide, sécurisée, traçable et non custodiale. C’est précisément le rôle que joue Unit.
Mais la véritable valeur ajoutée va bien au-delà. En plus de faciliter les transferts entre Hyperliquid et d’autres blockchains, Unit favorise surtout l’interopérabilité avec d’autres applications décentralisées. Quelques exemples concrets :
- Stargate (une infrastructure cross-chain développée par LayerZero) a récemment déployé un bridge d’ETH depuis toutes les blockchains supportées par l’application vers HyperCore.
- Garden Finance (une application offrant divers cas d’usages pour faire travailler des bitcoins) permet désormais de transférer n’importe quelle version de wrapped BTC vers du uBTC de façon trustless, en intégrant Unit comme point d’entrée.
- Ethena (émetteur du dollar synthétique USDe) a annoncé le déploiement du USDe sur Hyperliquid, à la fois sur HyperCore et sur HyperEVM.
En ce sens, Unit transforme Hyperliquid d’un simple exchange performant en une plateforme multifonctionnelle et interopérable, capable d'accueillir des applications tierces tout en conservant la souveraineté des actifs. À terme, l’objectif est clair : permettre aux utilisateurs de rester dans l’écosystème Hyperliquid sans jamais avoir à migrer leurs fonds — quelle que soit l’action qu’ils souhaitent effectuer.
“BTC is the most important crypto asset and historically the most difficult to bring to defi. Most wrapped BTC options today involve a single custodian, contradicting the ethos of defi.
Unit protocol's guardian architecture is a generalized solution bringing self-custody to a wide range of asset sources. When a user deposits, trades, and withdraws BTC using Unit and Hyperliquid, they maintain full control of their assets at all times.
Like Hyperliquid, Unit abstracts away the underlying technological complexity from the end user. Send BTC to an address, and it's ready for trading. Finally a BTC trading solution Satoshi would approve of: trustless and self-custodial, without sacrificing user experience.
Unit's launch brings Hyperliquid one step closer to housing all finance. It will be exciting to see Hyperliquid's world class liquidity and UX extend to many more important financial assets.” Jeff Yan, fondateur de Hyperliquid.
Architecture de Unit
L’architecture de HyperUnit repose sur un réseau de Guardians : des opérateurs indépendants qui exécutent localement une implémentation du protocole Unit. Ensemble, ils assurent la vérification des dépôts et des retraits, la coordination des opérations et la sécurité cryptographique du système. L’infrastructure est conçue pour être résiliente, non custodiale, et intégralement traçable.
Le réseau de Guardians
Au centre de Unit, on retrouve un réseau distribué d’opérateurs indépendants appelés Guardians, qui exécute chacun un agent, à savoir un logiciel développé par l’équipe de Unit qui exécute une partie du protocole.
Le but d’un Guardian est d’héberger un nœud et d’utiliser un indexeur sur l’ensemble des blockchains supportées par Unit (Bitcoin, Ethereum, Solana, etc.) afin de surveiller en temps réel les données on-chain et confirmer les opérations.
Par ailleurs, puisqu’il appartient à un réseau distribué, le Guardian participe au schéma de signature MPC afin d’assurer qu’aucun autre Guardian ne puisse exécuter une opération sans un accord de la majorité. De plus, il conserve une partie des clés privés en sécurité.
Finalement, les Guardians agissent simplement comme des validateurs off-chain décentralisés pour le protocole Unit. Ils assurent le bon fonctionnement des transferts cross-chain, avec un traitement non-custodial et traçable des actifs.
Les Agents
Chaque Guardian exécute un agent, qui est une implémentation locale du protocole Unit structurée autour de quatre composants clés :
- Chain Services : surveillent les blockchains supportées, détectent les dépôts, valident la finalité des transactions, et préparent les payloads nécessaires pour les retraits ou mint.
- Flow Manager : gère une machine d’état déterministe qui impose l’ordre et la validité de chaque étape du processus (vérification, signature, broadcast…).
- Consensus Service : applique la règle de quorum via un schéma de type 2-of-3, garantissant qu’aucun Guardian ne puisse valider seul une opération critique.
- Wallet Manager : manipule les opérations de signature via MPC Threshold Signatures, en s’appuyant sur des enclaves sécurisées (comme AWS Nitro), où les parts de clés sont chiffrées et stockées localement.
L’architecture assure que chaque Guardian vérifie indépendamment les actions proposées et que les opérations critiques sont signées collectivement, selon un seuil de validation.
Signature distribuée (TSS et MPC)
HyperUnit utilise un schéma de signature à seuil (2-of-3 TSS) via Multi-Party Computation pour toutes les actions critiques, comme le mint d’un actif sur Hyperliquid ou un retrait vers une autre blockchain.
- Les clés privées n’existent jamais en tant qu’entités complètes.
- Elles sont générées et maintenues de manière distribuée, chaque Guardian détenant une part chiffrée.
- Les signatures sont produites par coordination entre au moins deux Guardians, sans que la clé soit jamais reconstruite en mémoire.
Les clés privées sont conservées dans une enclave sécurisée (SGX ou équivalent), rendant impossible leur extraction même en cas d’accès physique. Ce modèle garantit la non-custodialité tout en réduisant drastiquement les risques de compromission.
Communication sécurisée
Les échanges entre Guardians sont intégralement chiffrés de bout en bout. Les messages transitent par un relay server opéré par le leader du quorum, mais ce relais ne détient aucune information sensible, ni aucune clé. Il ne fait que transmettre des messages chiffrés.
En complément, des vérifications out-of-band sont mises en place : les Guardians s’authentifient mutuellement via des identifiants échangés hors canal, empêchant toute tentative d’usurpation. Ce système garantit que seules les entités légitimes peuvent participer au consensus.
Même si le relay server était compromis ou hors ligne, l'intégrité du système serait préservée, puisque ni la signature, ni les données critiques ne dépendent de lui.
Intégrité du runtime
Pour éviter toute mise à jour malveillante, chaque Guardian vérifie systématiquement la version du code exécuté via des hashes de configuration. Aucune mise à jour n’est acceptée sans validation explicite. Cela empêche l'exécution de versions corrompues du protocole.
Par ailleurs, toutes les clés publiques des Guardians sont échangées et vérifiées hors bande, rendant toute tentative d’interception ou de spoofing quasi impossible.
Le réseau met aussi en œuvre des mécanismes de protection dynamiques, comme :
- Des limites de requêtes (rate-limiting) sur les points d’entrée du protocole, pour prévenir les attaques par déni de service.
- Un circuit-breaker collectif, qui peut être déclenché si une activité anormale ou malveillante est détectée. Ce mécanisme permet de suspendre les opérations automatiquement jusqu’à résolution manuelle par les Guardians.
Vérification distribuée
Chaque Guardian dispose de son propre indexeur et archive toutes les opérations exécutées localement. Cela garantit qu’aucun Guardian ne puisse altérer ou contourner le protocole sans être détecté.
Les statuts d’exécution sont synchronisés entre Guardians, assurant une cohérence continue du système et facilitant les audits post-opérationnels. Cette architecture offre plusieurs lignes de défense contre toute forme de compromission.
Métriques on-chain et adoption de Unit
Unit a officiellement été lancé en mainnet le 14 février 2025. En l’espace de presque 4 mois, le protocole a contribué à un volume total de 2.95 milliards de dollars sur le marché spot de Hyperliquid : 2.5 milliards de dollars en BTC et environ 450 millions de dollars en ETH. À noter que l’ETH n’est supporté que depuis le 27 mars.

Au cours des 30 derniers jours, cela positionne Hyperliquid à la première position des exchanges décentralisés en termes de volume de transaction sur le marché spot pour du BTC natif, devant Thorchain. Si l’on considère toutes les formes de BTC (synthétiques ou wrapped), Hyperliquid est en quatrième position derrière Uniswap, Aerodrome et Pancake Swap.
Au-delà d’être la couche permettant au marché spot d’exister sur Hyperliquid, Unit est également l’infrastructure permettant aux utilisateurs de transférer des BTC ou ETH sur le DEX afin de les utiliser en collatéral de leurs positions ou dans l’écosystème de l’HyperEVM. Grâce au dashboard de HyperDash, il est possible d’observer les flux gérés par Unit.

Au total, 1182.69 BTC (soit environ 112.29 millions de dollars) et 9619.88 ETH (environ 21.16 millions de dollars) ont été transférés depuis leurs blockchains respectives vers Hyperliquid. À noter que ce sont les flux nets, sachant que Unit a connu quelques journées de flux sortants au cours des dernières semaines.
Notes, perspectives et limites
Unit s’inscrit comme un levier fondamental dans la vision stratégique d’Hyperliquid. Là où la majorité des DEX et blockchains s’appuient encore sur des bridges externes ou des actifs synthétiques, Unit introduit une infrastructure native de tokénisation, directement intégrée à HyperCore.
D’un point de vue réglementaire, le protocole adopte une posture prudente : il est présenté comme une simple couche logicielle, sans entité opérationnelle centralisée, et où chaque Guardian agit de manière indépendante, sans jamais détenir la garde des fonds.
Plusieurs mécanismes ont été mis en œuvre pour garantir la conformité, notamment une compatibilité avec les exigences de l’OFAC, la capacité à bloquer des IP de juridictions spécifiques, et des garde-fous visant à ne pas être assimilé à un mixer ou à un émetteur d’actifs synthétiques.
Note : Pour certains observateurs, cette capacité à imposer des restrictions soulève néanmoins des questions sur le degré permissionless de l’écosystème Hyperliquid, ce qui pourrait à terme affecter sa compétitivité face à des plateformes plus ouvertes.
D’un point de vue technique, l’infrastructure repose encore sur un quorum restreint – composé de trois Guardians (Unit, Hyperliquid et Infinite Field) – et une liste limitée de blockchains compatibles. Si cette architecture permet un lancement sécurisé et maîtrisé, l’extension du réseau de Guardians, l’ouverture de la gouvernance, ainsi que l’interopérabilité avec d’autres écosystèmes seront des étapes cruciales pour faire évoluer Unit.
En somme, Unit ne se contente pas de résoudre la problématique du bridging : il établit les fondations d’un réseau où les actifs peuvent circuler, interagir et générer de la valeur au sein d’un espace unifié, ce qui en fait un pilier indispensable de l’ambition de Hyperliquid de devenir The House of All Finance.