Un futur candidat pro-crypto à la tête de la SEC ?
13 novembre 2024

L’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche pourrait marquer un tournant dans le monde de la régulation des cryptomonnaies aux États-Unis. L’un des changements les plus significatifs envisagés concerne le remplacement de Gary Gensler, actuel président de la Securities and Exchange Commission (SEC).
Sous l’administration Biden, Gensler a adopté une approche stricte vis-à-vis des cryptomonnaies, suscitant une méfiance accrue de la part de l’industrie et des investisseurs crypto. On peut mentionner des acteurs comme Coinbase qui ont reproché à l’administration d’être particulièrement dure avec le secteur.
En 2023, la SEC a engagé un total de 46 actions de répression liées aux cryptomonnaies, soit une augmentation de 53 % par rapport à 2022.
En ligne avec sa vision de transformer les États-Unis en « capitale mondiale de la crypto », Trump a exprimé son intention de remodeler la réglementation en s’entourant de personnalités plus favorables à l’industrie, ce qui inclut la potentielle destitution de Gensler de son poste.
Les critiques de Trump envers Gensler
Lors du grand rassemblement Bitcoin 2024 à Nashville, Trump a vivement critiqué Gensler pour sa gestion « agressive » du secteur. Selon le président élu, la guerre de la SEC contre les cryptos doit cesser, et il est essentiel de promouvoir un cadre réglementaire qui soutient, plutôt que restreint, l’innovation du secteur.
Gensler, en effet, a entrepris de nombreuses actions judiciaires notamment contre de grandes plateformes crypto comme Binance, Coinbase, Ripple, Uniswap ou encore Kraken, les accusant de manquements à la réglementation fédérale. Ces actions ont non seulement ébranlé le secteur, mais aussi freiné le développement des services crypto aux États-Unis.
Trump considère que ces mesures vont à l’encontre des intérêts des États-Unis et de leur compétitivité sur le marché mondial. Il a explicitement promis qu’en 2025, l’objectif de la SEC serait d’appliquer une régulation « pro-crypto », capable de favoriser le développement des entreprises dans ce secteur.
En vue de remplir ses promesses de campagne, Trump a laissé entendre que les jours de Gensler à la tête de la SEC étaient comptés selon Brad Garlinghouse, CEO de Ripple. On peut alors légitimement se demander qui pourrait venir le remplacer.
La liste des candidats potentiels
Daniel Gallagher
Parmi les candidats potentiels, Daniel Gallagher, ancien commissaire de la SEC et actuellement Chief Legal and Corporate Affairs Officer chez Robinhood, semble être l’un des favoris pour ce poste.
En tant que responsable chez Robinhood, une plateforme permettant de trader aussi bien des actions que des cryptomonnaies, Gallagher est bien informé des enjeux et des défis spécifiques de ce secteur. Pour rappel : Les revenus provenant des cryptos chez Robinhood ont atteint 81 millions de dollars au Q2 2024, en hausse de 161 % par rapport à l’année dernière.
Il critique ouvertement la SEC pour son approche trop stricte à l’égard des cryptomonnaies, qu’il qualifie de « politique de terre brûlée » en raison de son impact dissuasif sur l’innovation. Son expérience en tant qu’ancien régulateur fait de lui un candidat solide pour réformer la SEC, en adoptant des politiques plus favorables à la croissance de l’industrie crypto et en assouplissant certaines réglementations.
Hester Peirce
Hester Peirce, surnommée « Crypto Mom » en raison de son soutien à l’industrie, est également une candidate de choix pour une position clé à la SEC (potentiellement en tant que présidente intérimaire).
Commissaire républicaine de la SEC, Peirce a souvent critiqué l’approche de l’administration Biden et Gary Gensler. Elle est perçue comme une figure capable de mener une réforme rapide de la SEC, et pourrait aussi se voir confier la direction d’un groupe de travail fédéral sur la politique crypto, une initiative qui alignerait les régulations de la crypto avec les ambitions de Trump.
Voici les deux propositions les plus notables de Hester Peirce :
- Safe Harbor : après une première proposition d’instauration d’un cadre en 2020, Hester Peirce l’a actualisée en 2021. Cette version prévoit une période de trois ans durant laquelle les projets crypto peuvent développer leurs activités pour se décentraliser au maximum, sans être tenus de s’enregistrer auprès du régulateur américain. Malheureusement, cette proposition nécessitera une nouvelle mise à jour, car elle se concentre principalement sur les ICO.
- Digital Sandbox : un partenariat entre les États-Unis et le Royaume-Uni pour créer un sandbox réglementaire sur les acteurs crypto. Ce projet permettrait aux entreprises d'expérimenter des technologies comme la blockchain sous des conditions réelles et réglementées. L'objectif est de faciliter l'innovation tout en respectant les normes des deux pays et de fournir aux marchés l'accès à des produits innovants sans des exigences réglementaires trop contraignantes. Cette initiative s'inscrit dans la lignée de ses propositions antérieures pour encourager l'innovation technologique.
Mark Uyeda
Mark Uyeda, commissaire républicain de la SEC, est également pressenti pour un poste clé dans la nouvelle administration.
Récemment, il a critiqué les actions de la SEC contre les entreprises crypto, qu’il considère comme basées uniquement sur des infractions administratives liées à l’enregistrement, sans preuve de fraude ou de préjudice pour les consommateurs. Selon lui, la guerre de la SEC contre la crypto doit cesser, et il plaide pour une régulation plus juste et équilibrée.
Paul Atkins et Chris Giancarlo
D’autres noms sont également évoqués, comme Paul Atkins, ancien commissaire de la SEC qui avait conseillé Trump lors de la précédente transition, et Chris Giancarlo, ancien président de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC).
Giancarlo, surnommé « CryptoDad », a toujours plaidé pour des règles claires et justes pour ce secteur. Sa connaissance approfondie des dérivés et sa réputation de défenseur de l’innovation font de lui un candidat de choix pour influencer la politique crypto des États-Unis, en particulier dans les domaines régulés par la CFTC.
Comment les décisions sont prises au sein de la SEC
La SEC (Securities and Exchange Commission) est dirigée par cinq commissaires nommés directement par le président des États-Unis d'Amérique. Le président de la SEC, actuellement Gary Gensler, détient une influence considérable sur les priorités de l’agence. Bien que chaque commissaire dispose d’un vote égal dans les décisions, le président oriente les choix stratégiques et peut proposer des règles ou actions d’application spécifiques en fonction de ses orientations politiques. Par souci de neutralité politique, les commissaires de la SEC ne peuvent pas être plus de trois membres d’un même parti. Leur mandat dure cinq ans, et chaque année, un commissaire est remplacé.
Voici les fins de mandats des différents commissaires de la SEC :
Gary Gensler : June 5th, 2026
Hester M. Peirce : June 5th, 2025
Caroline A. Crenshaw : June 5th, 2024 *
Mark T. Uyeda : June 5th, 2028
Jaime Lizárraga : June 5th, 2027
*Les commissaires peuvent exercer leurs fonctions jusqu’à 18 mois après l’expiration de leur mandat.
Les décisions de la SEC, y compris l’adoption de nouvelles règles, sont prises par un vote majoritaire parmi les commissaires. Lorsqu’une nouvelle règle est proposée, elle passe par un processus de consultation publique, puis elle est soumise au vote des commissaires. Pour le secteur crypto, cela signifie que des changements dans la composition de la SEC pourraient influencer la façon dont les actifs numériques sont réglementés, potentiellement en allégeant certaines exigences pour favoriser l’innovation.
La SEC joue également un rôle essentiel dans l’application des lois, en menant des enquêtes et en lançant des poursuites contre les entreprises suspectées de fraude ou de violations réglementaires. Un changement de direction pourrait réorienter ces actions, privilégiant les cas de fraude manifeste et réduisant les poursuites pour des questions de non-enregistrement administratif.
Bien que la SEC soit une agence indépendante, elle est influencée par le contexte politique et les pressions du Congrès, notamment via l’attribution de son budget. Dans une administration Trump, pro-crypto, la SEC pourrait bénéficier d’une orientation plus favorable à l’industrie, facilitant l’innovation tout en réévaluant la priorité donnée aux poursuites contre les entreprises crypto.
Est-ce un feu vert pour toutes les cryptos ?
L’orientation pro-crypto de l’administration Trump, accompagnée du potentiel remplacement de Gary Gensler, pourrait faire espérer un « feu vert » pour le secteur des cryptomonnaies.
Cependant, la situation est plus complexe. Si l’approche de Trump vise à faciliter l’innovation et à alléger certaines régulations, cela ne signifie pas pour autant une absence de règles. En effet, le secteur crypto appelle depuis longtemps à un cadre de régulation clair et transparent qui offrirait aux entreprises une ligne de conduite stable, mais également aux investisseurs des garanties de protection contre les risques de fraude et d’abus.
Une question importante concerne l’activation du mécanisme du “fee switch” pour certains protocoles DeFi. Ce mécanisme permettrait aux détenteurs de tokens sur des plateformes décentralisées de percevoir une partie des revenus générés, ce qui pourrait faciliter la génération de rendements et une distribution de valeur accrue.
Cependant, l’activation de cette fonctionnalité pourrait amener les cryptomonnaies concernées à être classées comme des “securities” (valeurs mobilières), les obligeant ainsi à s’enregistrer auprès de la SEC. Voici certaines cryptomonnaies qui pourraient activer leur fee switch en cas de règles favorables pour le secteur : AAVE, ENA, UNI, ou encore BLUR.
On rappelle que dans le cadre de sa campagne, Donald Trump avait annoncé la formation d’un comité consultatif dédié aux cryptomonnaies en cas de victoire. Ce comité aura pour mission de concevoir, en 100 jours, des réglementations claires et favorables pour encadrer le secteur crypto aux États-Unis.
Gary Gensler a jusqu’à présent adopté une approche stricte, basée sur des actions d’application agressives plutôt que sur l’élaboration de règles spécifiques pour les cryptos. En conséquence, de nombreuses entreprises se retrouvent dans une zone grise juridique, ne sachant pas précisément si leurs produits ou services respectent la réglementation en vigueur.
Il reste à voir dans quelle mesure une nouvelle approche pourra protéger efficacement les consommateurs tout en favorisant l’innovation. Les acteurs politiques, les régulateurs et les dirigeants du secteur devront collaborer pour définir des règles qui concilient développement technologique et sécurité des investisseurs.