Polygon (POL) : Une présentation complète d'un écosystème de solutions de scaling d'Ethereum

20 juin 2025

Polygon (POL) : Une présentation complète d'un écosystème de solutions de scaling d'Ethereum

De la première véritable solution de scaling à un écosystème de multiples blockchains de layer 2, Polygon est un protocole emblématique d'Ethereum. Dans ce rapport, découvrez les solutions développés par Polygon, l'architecture de Polygon 2.0 et le positionnement du projet dans un secteur ultra-compétitif.

Qu’est-ce que Polygon ?

Lancé en 2017 sous le nom de Matic Network, Polygon est aujourd’hui l’un des protocoles les plus emblématiques de l’écosystème Ethereum. Initialement conçu comme une solution de scalabilité, il a rapidement évolué pour devenir une infrastructure multi-chain supportant plusieurs types de Layer 2, incluant à la fois des sidechains et des zk-rollups.

L’objectif fondamental de Polygon est resté inchangé : améliorer la scalabilité d’Ethereum sans compromettre sa sécurité, sa décentralisation, ni l’expérience utilisateur. Polygon a été l’un des tout premiers protocoles à apporter une réponse concrète à cette problématique dès 2021, à une époque où l’adoption d’Ethereum était limitée par la congestion du réseau et des frais de transaction prohibitifs.

La sidechain Polygon PoS, fonctionnant en Proof of Stake, s’est rapidement imposée comme une référence, avec l’émergence d’un écosystème dynamique de plus de 700 dApps, faisant de Polygon l’une des blockchains les plus utilisées au monde.

Au fil du temps, de nombreuses autres solutions de Layer 2 pour Ethereum ont vu le jour, diluant l’avantage compétitif initial de Polygon. En conséquence, la capitalisation de son token (POL, anciennement MATIC) est aujourd’hui très en dessous de ses sommets de 2021 — environ 2 milliards de dollars contre plus de 20 milliards à l’époque.

Face à ce constat, l’équipe de Polygon a opéré en 2024 un virage stratégique majeur : repenser entièrement l’architecture du protocole. Cette refonte, baptisée Polygon 2.0, incarne une nouvelle vision ambitieuse : construire un réseau évolutif de blockchains interconnectées, propulsé par la technologie Zero-Knowledge.


Les solutions de Polygon

Polygon PoS

Lancée dès 2020 sous le nom de Matic Network, Polygon PoS est la première solution développée par Polygon Labs. Elle repose sur un modèle de sidechain EVM-compatible, avec une production de blocs indépendante, mais une finalité régulièrement ancrée sur Ethereum. Cette architecture hybride lui a permis de conjuguer rapidité d’exécution, faibles coûts de transaction et compatibilité native avec l’écosystème Ethereum.

D’un point de vue technique, Polygon PoS repose sur trois couches distinctes : une couche d’exécution (basée sur l’EVM), une couche de production de blocs appelée Bor, et une couche de finalité baptisée Heimdall. Cette dernière s’appuie sur Tendermint pour coordonner les validateurs et publier des checkpoints sur Ethereum toutes les 30 minutes environ.

Cependant, cette architecture n’est pas sans compromis. Contrairement aux rollups, la sécurité de Polygon PoS ne repose pas directement sur Ethereum, mais sur son propre ensemble de validateurs (105 à ce jour). Cette configuration expose le réseau à des risques théoriques de collusion et à une forme de centralisation, régulièrement soulevée par les observateurs du secteur.

Face à ces limites, Polygon Labs a annoncé en 2023 une transformation profonde : faire évoluer Polygon PoS vers une architecture de type “zkEVM validium”. Dans ce modèle, les transactions restent exécutées hors chaîne principale, mais les preuves cryptographiques de validité (ZK proofs) sont publiées sur Ethereum. Cette évolution permet de conserver la scalabilité de la sidechain tout en lui conférant une sécurité équivalente à une ZK Rollup.

Surtout, cette migration s’inscrit dans une vision plus large : celle de Polygon 2.0, un réseau interopérable de blockchains de type ZK unifiées autour d’une architecture commune (dont nous allons parler dans la suite de ce rapport). Dans ce modèle, les validateurs de Polygon PoS pourront sécuriser simultanément plusieurs chaînes via un mécanisme de restaking basé sur le nouveau token POL.

→ Pour aller plus loin, découvrez la documentation de Polygon PoS

Polygon zkEVM

Dévoilée en 2022 et officiellement lancée en mainnet en mars 2023, Polygon zkEVM représente l’une des avancées les plus importantes de Polygon. Il s’agit d’une solution de layer 2 reposant sur la technologie des zero-knowledge rollups (ZK-rollups), mais avec une compatibilité complète avec l’EVM.

D’un point de vue technique, cette solution repose sur un moteur d’exécution zkEVM développé par Polygon Zero (une branche de Polygon Labs issue de l’acquisition de Mir Protocol) et capable d’interpréter directement les opérations en Solidity et EVM bytecode. Cela permet aux développeurs d’utiliser exactement les mêmes outils que sur Ethereum sans avoir à adapter leur code à un nouvel environnement.

Polygon zkEVM fonctionne comme un véritable rollup : les transactions sont agrégées off-chain, exécutées, puis compressées sous forme de preuve de validité. Cette preuve est ensuite envoyée sur Ethereum pour garantir que l’ensemble du batch de transactions est correct. En plus de réduire considérablement le coût par transaction, ce mécanisme offre une finalité rapide et une sécurité élevée.

Il est important de noter que Polygon zkEVM n’est pas destiné à remplacer Polygon PoS. Les deux solutions coexistent au sein de l’écosystème Polygon, avec des cas d’usage complémentaires. Là où Polygon PoS mise sur la vitesse et le coût, zkEVM se positionne comme une alternative plus sécurisée pour les applications exigeant une forte résilience et une vérifiabilité sur Ethereum.

Malgré une mise en lumière acquise par la renommée de Polygon et des rumeurs d’airdrop ayant soutenu l’activité durant quelques semaines, Polygon zkEVM n’a pas rencontré le succès escompté. La TVL de la blockchain est actuellement de l’ordre de quelques millions de dollars à peine, bien loin des attentes de la communauté.

→ Pour aller plus loin, découvrez la documentation de Polygon zkEVM

Polygon CDK

Le Polygon CDK (Chain Development Kit) est une boîte à outils open-source lancée en 2023 pour permettre à n’importe quel projet de créer facilement sa propre blockchain de type ZK Rollup. Il s’agit d’un composant clé dans l’ambition de Polygon de construire le supernet, un ensemble de réseaux zkEVM interopérables.

L’un des atouts majeurs du CDK réside dans sa modularité. Les développeurs peuvent adapter la configuration de leur chaîne selon leurs besoins : modèle de gouvernance, frais de transaction, token pour le gas, configuration des validateurs, le niveau de centralisation/décentralisation ou bien encore le mode de data availability (rollup ou validium) ainsi que le type de machine virtuelle.

Plusieurs projets ont déjà adopté le CDK, parmi lesquels Astar ZK, OKX, ou encore Immutable zkEVM.

→ Pour aller plus loin, découvrez la documentation de Polygon CDK

Polygon Miden

Développé en interne par Polygon Labs, Miden se distingue par une approche résolument différente des autres solutions zkEVM : il ne cherche pas à être compatible avec l’EVM, mais à proposer un environnement d’exécution nativement ZK-friendly, optimisé pour la performance, la flexibilité et la scalabilité.

Au cœur de Miden se trouve la Miden VM, une machine virtuelle codée en Rust et spécialement optimisée pour les STARK-proofs. Ce choix technologique repose sur l’idée que pour exploiter pleinement le potentiel des ZK-proofs, il est nécessaire de s’affranchir des limitations historiques de l’EVM.

Le langage de programmation de Miden est baptisé Miden Assembly. Il est considéré comme étant de bas niveau et pensé pour être compilé en instructions exécutables par la Miden VM et pour maximiser l’efficacité du processus de génération de preuves. À terme, des langages de plus haut niveau pourront être introduits, mais l’architecture actuelle met déjà en avant la possibilité de créer des applications décentralisées complexes.

Miden est encore en phase de développement actif, mais ses spécifications avancées et son positionnement en tant que machine virtuelle zk-native en font un composant clé de l’écosystème de Polygon.

→ Pour aller plus loin, retrouvez la documentation de Polygon Miden

AggLayer

Avec le lancement de Polygon 2.0, l’équipe de Polygon a introduit une nouvelle brique d’infrastructure particulièrement ambitieuse : l’Aggregation Layer, ou AggLayer. En quelques mots, c’est une couche technologique qui vise à répondre au problème d’interopérabilité entre les multiples blockchains d’Ethereum.

AggLayer permet à des blockchains indépendantes de se comporter comme un système unifié. Au lieu que chaque layer 2 communique isolément avec Ethereum ou entre elles à l’aide de bridges, l’AggLayer agit comme une couche centrale de coordination qui synchronise les preuves et les messages.

Cette agrégation repose sur deux piliers techniques :

  • D’une part, une agrégation des preuves de validité. Chaque réseau ZK du supernet Polygon produit ses propres preuves (ZK Proofs) pour valider les blocs. L’AggLayer les rassemble, les compile et les envoie ensemble à Ethereum. Cela permet de mutualiser les coûts de publication sur Ethereum et d’assurer une finalité cohérente entre les réseaux.
  • D’autre part, une agrégation des messages inter-chain, pour garantir que les interactions entre les applications déployées sur différentes blockchains soient traitées de manière fiable, rapide et sécurisée.

L’un des intérêts les plus évidents est qu’AggLayer supprime la nécessité de passer par des bridges. Lorsqu’un utilisateur ou un protocole envoie un message d’une chaîne à une autre, l’AggLayer garantit que ce message sera traité dans l’état final de la destination, de manière native, sans nécessiter de wrapper d’actif ou de dépendance à une entité intermédiaire.

Dans la vision de Polygon, AggLayer est surtout l’étape suivante dans l’évolution des blockchains : si Ethereum a introduit la thèse monolithique (où le consensus, la data availability et l’exécution sont gérés au même endroit) et que ses récentes évolutions poussent vers la thèse modulaire (où chaque élément est géré séparément), alors Polygon soutient que la prochaine étape est la thèse Aggregation.

“L’Aggregation offre la souveraineté et la scalabilité des architectures modulaires, ainsi que la liquidité unifiée et l'interface utilisateur d'un système monolithique, synthétisant ces deux approches en quelque chose de nouveau.”

→ Pour approfondir, retrouvez la thèse de AggLayer par Polygon


Architecture de Polygon 2.0

Annoncé en juin 2023 et finalisé par le passage du token MATIC en POL, Polygon 2.0 est le résultat de plusieurs années de travail, d’expérimentation et de recherche de la part des équipes de Polygon Labs. Il représente la prochaine étape du projet, dont la vision est de construire la “Value Laye of the Internet”.

La dernière section de cette article de recherche portait sur l’AggLayer, précisément car Polygon 2.0 repose sur cette thèse des “Aggregated Blockchains” : construire une infrastructure qui réunit le meilleur des architectures modulaires et monolithiques.

À l’image de la suite de protocoles qui forme l’architecture d’Internet (TCP/IP), Polygon adopte un modèle modulaire articulé autour de quatre couches protocolaires : Staking, Aggregation, Execution et Proving. Dans la suite de cette section, nous allons les découvrir ensemble.

Staking Layer

La Staking Layer joue un rôle central dans la sécurisation des différentes blockchains de l’écosystème Polygon 2.0. Basée sur un mécanisme de Proof-of-Stake, elle repose sur un pool commun de validateurs qui peuvent être utilisés par toutes les blockchains du réseau, avec un système de restaking natif intégré.

Concrètement, deux smart contracts sur Ethereum assurent la coordination de cette couche :

  • Validator Manager : ce contrat gère l’ensemble du registre des validateurs, leurs actions de staking/unstaking, leur engagement sur plusieurs chaînes (restaking), et les éventuels événements de slashing en cas de comportement malveillant.
  • Chain Manager : chaque blockchain de l’écosystème Polygon possède son propre smart contract “Chain Manager” qui définit les exigences spécifiques (nombre de validateurs, conditions supplémentaires comme la conformité GDPR ou des staking tokens spécifiques, etc.).

Cette mutualisation permet à chaque blockchain de Polygon de bénéficier d’un niveau de décentralisation minimum dès son lancement, sans avoir à constituer un set de validateurs dédié. En retour, les validateurs reçoivent une rémunération en POL ainsi que des revenus additionnels issus des frais de transaction et d’autres incitations spécifiques aux chaînes qu’ils sécurisent.

Aggregation Layer (AggLayer)

L’AggLayer est le pilier central de l’interopérabilité au sein de Polygon 2.0. Nous en avons proposé une présentation plus complète dans la section précédente, mais il est important de la présenter sous l’angle de son rôle au sein de Polygon 2.0.

Concrètement, elle permet de connecter toutes les blockchain du réseau via un système de messagerie cross-chain sécurisée, rendant l’expérience utilisateur aussi fluide que s’il n’y avait qu’une seule blockchain.

Au lieu de multiplier les bridges complexes, chaque chaîne Polygon utilise une file locale de messages (Message Queue). Ces messages sont encapsulés dans les preuves ZK de chaque blockchain, puis agrégés via un composant dédié appelé l’Aggregator. Celui-ci compile toutes les preuves et messages des différentes blockchains, puis soumet une preuve agrégée unique sur Ethereum.

Résultat : un message entre deux chaînes du réseau Polygon est traité de manière native, sans wrapper, sans délai, avec une finalité rapide, une sécurité garantie par Ethereum et un coût de publication mutualisé.

Execution Layer

L’Execution Layer correspond au cœur traditionnel de toute blockchain : c’est elle qui exécute les transactions, les regroupe dans des blocs, les valide et maintient la cohérence du registre.

Sur Polygon, cette couche est conçue pour être interopérable et standardisée, tout en s’adaptant aux besoins spécifiques des différentes blockchains. Elle repose sur des composants techniques classiques comme :

  • Un mempool pour recevoir les transactions ;
  • Un système P2P pour connecter les nœuds ;
  • Un consensus entre les validateurs ;
  • Une base de données pour stocker l’historique ;
  • Un générateur de témoins (witness generator) qui prépare les données à soumettre au Proving Layer.

Proving Layer

Enfin, la Proving Layer constitue la brique ZK fondamentale du protocole. Le Proving Layer est chargé de générer les ZK-proofs pour chaque lot de transactions (internes ou inter-chains) exécutées sur les chaînes Polygon.

Cette couche repose sur plusieurs composants techniques clés :

  • Un prover commun ultra-performant (successeur de Plonky2), développé par les équipes ZK de Polygon, capable de prouver rapidement et efficacement tout type de machine d’état.
  • Un constructeur de machines d’état (optionnel), permettant à tout développeur de définir son propre environnement d’exécution, avec une interface simplifiée et modulaire.
  • Des machines d’état spécifiques à chaque chaîne, comme zkEVM ou MidenVM, pouvant également être développées en Rust ou en zkWASM.

Le Proving Layer permet ainsi à n’importe quelle chaîne de proposer son propre environnement d’exécution, tout en garantissant la sécurité et l’interopérabilité native avec l’ensemble du réseau Polygon via des preuves ZK agrégées.


Le token POL : cœur de l’architecture Polygon 2.0

Avec la transition vers Polygon 2.0, le protocole introduit une nouvelle version de son actif natif : le token POL, conçu pour succéder au MATIC. Ce changement ne se limite pas à un simple rebranding, il reflète une transformation profonde du rôle du token au sein d’un écosystème désormais multi-chains, plus modulaire, interopérable, et sécurisé par la technologie ZK.

De MATIC à POL

Le token POL (Polygon Ecosystem Token) remplace progressivement le MATIC, via un mécanisme de migration en 1:1 sur une période de 4 ans. Les détenteurs de MATIC sont invités à échanger leurs tokens contre des POL, à travers un smart contract déployé sur Ethereum. L’objectif de cette migration est double :

  • Technique : POL est conçu comme un token "future-proof", capable de servir nativement l’ensemble des blockchains du supernet Polygon 2.0.
  • Économique : POL introduit un nouveau modèle de staking et de validation adapté à une architecture multi-chaînes, via des mécanismes de restaking et de rémunération transversale.

Le POL vise à devenir un “hyperproductif token”, à savoir un actif natif qui sert non seulement de token de gouvernance et de gas, mais aussi de clé de sécurisation partagée, permettant à un validateur de participer simultanément à plusieurs blockchains Polygon tout en étant rémunéré en conséquence.

Cas d’usage et utilité du POL

Le design du token POL repose sur une combinaison de fonctionnalités qui le placent au centre de l’économie de Polygon 2.0 :

  • Token de gas natif : chaque blockchain du supernet peut adopter le POL comme token natif pour les frais de transaction, même si ce choix reste à la discrétion des développeurs.
  • Staking & Restaking : le POL est utilisé pour participer au consensus. Les validateurs doivent verrouiller une certaine quantité de POL pour participer à la sécurité d’une ou plusieurs chaînes. Le mécanisme de restaking permet à un même validateur de sécuriser plusieurs chaînes simultanément, augmentant ainsi l'efficacité de son capital staké.
  • Sécurité partagée & slashing : chaque chaîne du supernet peut définir ses propres règles de validation, ses exigences minimales de sécurité, et les modalités de slashing (pénalités en cas de comportement malveillant). Ce modèle permet de mutualiser la sécurité tout en conservant la souveraineté individuelle des chaînes.
  • Gouvernance : POL accorde des droits de vote pour les décisions protocolaires futures, bien que la DAO de gouvernance ne soit pas encore formellement déployée. À terme, les détenteurs pourront voter sur les évolutions clés de l’écosystème, notamment les paramètres du protocole, les subventions, ou la gestion de la trésorerie.
  • Incentives et écosystème : POL pourra être utilisé pour récompenser l’activité sur certaines chaînes, ou pour inciter à l’adoption de nouvelles solutions construites via le CDK. Il s’agit d’un mécanisme essentiel pour coordonner les intérêts dans un environnement multi-chaînes.

Ce modèle s’inspire partiellement des "Curve Wars", en incitant les projets à accumuler du POL pour accroître leur influence sur les incentives, par le biais des futurs gauges de gouvernance. Cela crée une pression d’achat soutenue sur le token et aligne les intérêts de l’ensemble des parties prenantes.

Tokenomics & émissions

L’offre totale du token POL est fixée à 10 milliards de tokens, en ligne avec l’offre maximale actuelle de MATIC. Cette quantité couvre la totalité de la migration, ainsi que les besoins en émissions futures pour rémunérer les validateurs et soutenir l’écosystème.

Les émissions de POL sont régulées selon un mécanisme prédéfini :

  • Taux maximal d’émission annuel : 1%, avec la possibilité de réduction à partir de la dixième année via un vote de gouvernance.
  • Objectif long terme : faire en sorte que les frais réels générés par les applications (transaction fees, MEV, DA fees) financent directement la rémunération des validateurs, rendant le système économiquement durable sans inflation.

En d’autres termes, l’émission de nouveaux POL sert uniquement de filet économique dans les premières années de croissance du supernet. À terme, les chaînes doivent devenir autosuffisantes, rémunérant les validateurs directement à partir des revenus produits.


Positionnement et adoption

Dès son lancement, Polygon s’est imposé comme un acteur majeur pour résoudre les problématiques de scalabilité d’Ethereum. La sidechain en Proof of Stake a connu une adoption significative, que cela soit en termes de TVL ou de nombre d’applications et d’utilisateurs, qui s’est également reflétée sur le cours du MATIC.

L’émergence de solutions concurrentes et la période de développement Polygon 2.0 ont fortement ralenti la croissance de l’écosystème. Maintenant que Polygon 2.0 est lancé, l’ambition est de reconquérir cette position de leader en offrant une infrastructure modulaire, interopérable et sécurisée par la technologie ZK.

Néanmoins, si la promesse technologique est présente, elle n’assure en aucun cas d’attirer des développeurs et des utilisateurs. Au fil du temps, Polygon est passé derrière des acteurs comme Arbitrum ou Base en tant que layer 2 favorites des utilisateurs, qui n’ont que peu d’intérêt pour l’innovation technologique, du moment que la blockchain qu’ils utilisent offrent des cas d’usages et une expérience utilisateur intéressants.

D’un point des métriques de Polygon 2.0 :

  • Polygon PoS : Avec une TVL dépassant les 700 millions de dollars, Polygon PoS reste l’une des sidechains les plus utilisées, accueillant des centaines de projets dans divers domaines tels que la DeFi, les NFT ou encore les marchés de prédiction avec Polymarket.
  • Polygon zkEVM : Malgré une technologie prometteuse, l’adoption de zkEVM reste limitée, avec une TVL de quelques millions de dollars. Les défis incluent une concurrence accrue et la nécessité de démontrer des cas d’usage convaincants.
  • CDK (Chain Development Kit) : Le CDK a suscité l’intérêt de plusieurs projets majeurs, tels que Astar ZK, OKX et Immutable zkEVM, qui ont choisi de construire leurs propres chaînes ZK en utilisant cet outil.

D’un point de vue technique, Polygon 2.0 se distingue par une approche hybride, combinant les avantages des architectures monolithiques et modulaires. De nombreuses autres solutions sont positionnées sur ces verticales, notamment :

  • Layer 2 - Arbitrum, Base, etc. : Bien que dominant en termes de TVL, Arbitrum et Base reposent sur des architectures plus centralisées avec des séquenceurs uniques (ou presque), ce qui pose des questions de centralisation.
  • Supernet - Superchain d’Optimism : L’OP Stack vise à créer une superchain de blockchains interopérables, mais sa technologie repose sur des rollups optimistes, avec des délais de finalité plus longs comparés aux ZK-rollups de Polygon. Néanmoins, elle reste la solution privilégiée pour construire des L2 simplement (Base, Mode, etc.).
  • Data Availability - Celestia : Axée sur la disponibilité des données, Celestia propose une approche modulaire, mais nécessite l’intégration avec d’autres solutions pour offrir une exécution complète, contrairement à l’offre générale de Polygon 2.0 via l’AggLayer. Encore une fois, l’adoption réelle est incomparable.

Malgré une compétition féroce entre les différentes solutions de scaling, Polygon reste l’un des rares acteurs à proposer une vision d’ensemble aussi complète : un écosystème cohérent de blockchains ZK, un modèle de sécurité mutualisée via le restaking, une agrégation native des preuves et des messages inter-chaînes avec l’AggLayer, et un token unique pour l’ensemble du réseau.

Ce positionnement transversal – à la croisée des Layer 2, des appchains et des systèmes modulaires – pourrait permettre à Polygon de réconcilier des besoins souvent contradictoires : performance, sécurité, souveraineté et interopérabilité. À condition que l’attention du marché et l’adoption des utilisateurs et des développeurs suivent.


Conclusion & Perspectives

Avec Polygon 2.0, l’équipe de Polygon propose une refonte complète de son architecture pour s’imposer comme l’infrastructure ZK modulaire de référence sur Ethereum. L’ambition est claire : dépasser la simple scalabilité pour offrir un environnement unifié, performant et interopérable, capable d’héberger une infinité de blockchains spécialisées tout en garantissant une cohérence technique et économique via l’AggLayer et le token POL.

En réorganisant son écosystème autour de composants clés – PoS, zkEVM, CDK, Miden, AggLayer – Polygon cherche à répondre aux défis fondamentaux des blockchains actuelles : fragmentation des liquidités, limites de performance, compromis entre souveraineté et sécurité. Le modèle proposé permet à chaque application ou projet de déployer sa propre blockchain personnalisée tout en bénéficiant de la sécurité d’Ethereum et de l'interopérabilité native offerte par la couche d’agrégation.

Le token POL, remplaçant de MATIC, est au cœur de cette vision. Conçu comme un “hyperproductive token”, il alimente à la fois la sécurité, la gouvernance, l’économie incitative et l’interconnexion entre chaînes. Son design économique intègre des émissions maîtrisées, un mécanisme de restaking et une utilité native dans l’ensemble du réseau, avec pour objectif de bâtir un modèle soutenable dans le temps, fondé sur les revenus réels du protocole.

Polygon ne se contente donc pas d’améliorer un existant : il redéfinit ce que doit être une infrastructure de layer 2 dans l’ère des ZK-proofs. En proposant une architecture modulaire par défaut, intégrant des primitives techniques puissantes et une expérience utilisateur cohérente, Polygon se positionne comme un candidat sérieux dans la bataille pour l’échelle d’Ethereum. Reste à convaincre développeurs et utilisateurs de rejoindre cette nouvelle ère.