MegaETH, le layer 2 le plus prometteur d'Ethereum ? – Analyst Notes BreadGuy
14 mai 2025

Dans cet article
Dans cette deuxième édition du Analyst Notes de OAK Research, découvrons ensemble une interview de “0xBreadguy”, membre clé de l’équipe de MegaETH, au micro du média français Decrypted.
Introduction et contexte
Avec la multiplication des interviews, podcasts et spaces sur X, certaines interviews passent inaperçues, sont incomplètes ou ne reçoivent pas l'attention qu'elles méritent. L’objectif de Analyst Notes est de proposer un moyen plus simple pour les utilisateurs de retrouver les points forts, d’obtenir du contexte, et de vérifier les affirmations des participants aux interviews sélectionnées.
Dans cette seconde édition des Analyst Notes, nous avons sélectionné l’interview de BreadGuy, un acteur clé de MegaETH, chez Decrypted.
MegaETH est une blockchain de layer 2 d’Ethereum et est certainement la plus attendue cette année, notamment en raison de ses capacités techniques et de sa vision très différente du reste de l’écosystème. Nous pensons qu’il est intéressant de revenir sur certains passages de l’interview pour approfondir le sujet.
Si vous trouvez l’article intéressant, n’hésitez pas à regarder l’interview complète sur la chaîne de Decrypted et à les soutenir dans leur démarche. Démarrons avec la seconde édition de Analyst Notes.
→ Retrouvez notre analyse sur MegaETH :

Un Zoom sur MegaETH, la blockchain qui a levé 10 millions de dollars en quelques secondes
Retour sur la dernière levée de fonds de Echo, la plateforme d'investissement early stage lancée par Cobie. Cette fois-ci, la layer 2 megaETH a levé 9,2 millions de dollars en quelques secondes. Tour d'horizon de ce phénomène.
Analyst Notes
Note 1 - Quel type de L2 est MegaETH ?
CONTEXTE
Au début de l’interview (1:20), BreadGuy explique la différence entre les choix faits pour un rollup et un Optimium comme MegaETH.
Les rollups postent leurs preuves cryptographiques et leurs données de disponibilité (Data Availability, DA) sur Ethereum afin d’hériter au maximum de sa sécurité, mais cela coûte cher et reste difficilement scalable.
MegaETH a pris une autre approche : ils postent bien leurs preuves sur Ethereum, mais utilisent EigenDA pour publier leurs données, afin de réduire au maximum les coûts et optimiser l’EVM à son plein potentiel.
Note 2 - Les fondateurs sont experts des systèmes à faible latence
CONTEXTE
Dans l’interview (3:30), BreadGuy met l’accent sur l’expérience technique de l’équipe derrière MegaETH pour justifier ses ambitions, à la fois sur les performances, la distribution de données et le consensus.
FACT CHECK
Lei Yang, cofondateur et CTO de MegaETH, possède effectivement un doctorat en informatique du MIT. Sa thèse était focalisée sur l’efficience du consensus et la synchronisation dans les systèmes distribués. Il a travaillé sur différents systèmes performants comme Dispersed Ledger ou Rateless IBLTs avant de lancer MegaETH.
Yilong Yi, également cofondateur de MegaETH, possède un doctorat en informatique de Stanford. Comme l’indique BreadGuy dans l’interview, il a travaillé auparavant avec des centres de données pour optimiser la distribution d’informations à quelques nanosecondes près. Cette information est vérifiable sur son profil LinkedIn, où figure une expérience en 2014 chez “Runtime Verification”.
Note 3 - Le choix d’EigenDA plutôt que Celestia
CONTEXTE
Selon BreadGuy (5:30), MegaETH est en train de construire une architecture trop rapide pour la plupart des infrastructures actuelles de l’écosystème, notamment à cause de la quantité de données que cela exige.
D’après lui, Celestia n’était pas un choix envisageable à cause de ses 3,5 Mb/s de bande passante, contre 15 Mb/s pour EigenDA. À noter que c’est un chiffre qui, selon BreadGuy, ne sera même pas suffisant à terme, MegaETH nécessitant 18 à 20 Mb/s.
EigenDA est également plus aligné avec Ethereum. Moins que les blobs, certes, mais il repose sur la technologie de restaking d’EigenLayer sur Ethereum, ce qui apporte indirectement de la valeur au token ETH, contrairement à Celestia.
FACT CHECK
Selon un post de Celestia, le réseau ne délivre pas 3,5 Mb/s mais 1,33 Mb/s, tandis qu’EigenDA atteint bien 15 Mb/s. Ces chiffres ont été vérifiés directement auprès des équipes de Celestia et d’EigenDA. Toutefois, comme pour les TPS d’une blockchain, ces données restent difficilement vérifiables en conditions réelles, faute de demande suffisante pour les saturer.
À noter que Celestia a récemment annoncé mamo-1 sur leur testnet, permettant d’atteindre plus de 21 Mb/s. Selon Nick White (COO de Celestia) dans une interview (), cette mise à jour devrait être prête pour le mainnet avant la fin de l’année.
Note 4 – Une rotation de séquenceurs à venir ?
HIGHLIGHT
Après avoir évoqué l’utilisation d’un séquenceur unique plutôt qu’un consensus sur un L2, afin de maximiser les performances et atteindre les 10 ms de blocktime (avec un objectif à 1 ms), BreadGuy mentionne la possibilité d’implémenter une rotation de séquenceurs sur MegaETH.
D’après lui, ce système innovant pourrait être constitué de 10 à 20 séquenceurs. Chacun produirait les blocs à tour de rôle, garantissant ainsi les performances d’un séquenceur unique tout en assurant une meilleure résistance à la censure ou à la panne grâce à la rotation.
Interrogé sur la nature permissionless du système, BreadGuy explique que les séquenceurs seront intégrés de façon permissionnée, avec une exigence de mise sous enjeu (staking) de leur part. Cela permettrait de mettre en place un mécanisme de slashing en cas de mauvais comportement durant leur tour de séquençage.
Le token utilisé pour ce mécanisme de slashing n’est pas précisé, mais il est fortement probable que le futur token de MegaETH soit utilisé à cet effet, ou du moins qu’il y soit intégré.
Note 5 – Nouveaux cas d’utilisation
HIGHLIGHT
En réponse à une question sur les cas d’usage permis par MegaETH (13:30), BreadGuy évoque la possibilité pour des professionnels comme les market makers de s’installer physiquement à proximité des séquenceurs. Cela permettrait de réduire au maximum la latence induite par la vitesse d’Internet, afin de profiter réellement d’une exécution de quelques millisecondes.
Un tel positionnement rendrait possible la gestion en temps réel d’un orderbook on-chain, offrant ainsi une expérience DeFi ultra-rapide, tout en maintenant un business prévisible et optimisé.
BreadGuy ajoute que l’équipe MegaETH travaille actuellement à l’intégration d’un oracle directement dans le séquenceur. L’objectif est de recevoir les données des oracles quasi instantanément, pour ensuite collaborer avec les market makers et construire une DeFi plus efficiente.
Enfin, il cite l’exemple de Biomes, un jeu entièrement on-chain, qui, grâce aux performances de MegaETH, permet à chaque déplacement d’un joueur d’être une transaction. Cela ouvre la voie à des événements automatisés, déclenchés par des smart contracts selon la position du joueur, et donc à une expérience de jeu dynamique et décentralisée.
FACT CHECH
Depuis l’interview, le compte officiel de Biomes semble avoir été racheté et le projet abandonné. Cependant, l’équipe de MegaETH a lancé un jeu alternatif : Crossy Fluffy, très inspiré de Crossy Road, dans lequel chaque mouvement est enregistré on-chain. Ce jeu a permis de tester les limites du testnet, avec des pics à plus de 1000 TPS en moyenne.
Note 6 – La sécurité de MegaETH, d’Optimium à Validium
HIGHLIGHT
Lorsque BreadGuy est interrogé sur la sécurité de MegaETH (17:00), il explique que MegaETH est un L2 de type optimistic, comme Arbitrum, Base ou Optimism. Toutefois, comme ce n’est pas un rollup, du fait qu’il n’utilise pas Ethereum comme couche de DA, MegaETH est classé comme un Optimium, une catégorie de L2 considérée comme moins sécurisée.
L’idée de passer à un système à preuves ZK, et donc à un Validium, est évoquée, mais cela dépendra de l’évolution technologique, notamment sur la réduction des coûts et du temps de génération des preuves.
En attendant, MegaETH adopte une roadmap similaire à celle des autres L2, afin de garantir la sécurité des fonds des utilisateurs. En particulier, le protocole permet de contourner le séquenceur pour récupérer ses fonds en cas de défaillance.
Note 7 – L’interopérabilité, un problème ?
CONTEXTE
Puisque MegaETH n’utilise pas les blobs d’Ethereum pour sa DA, mais EigenDA, la question de la composabilité avec les autres L2 se pose. La composabilité désigne une interopérabilité permettant d’utiliser les smart contracts ou les actifs d’une autre blockchain sur la sienne, de manière native et efficiente.
Les rollups qui utilisent la DA d’Ethereum bénéficient d’une forte interopérabilité entre eux. C’est notamment la vision de la Superchain d’Optimism, qui imagine un avenir où ces L2 fonctionnent ensemble comme une seule méga-chaîne. Cette approche est qualifiée de “horizontal scaling”, par opposition au “vertical scaling”, qui consiste à augmenter la puissance d’un séquenceur pour maximiser la scalabilité.
OPINION
BreadGuy partage son opinion sur la philosophie de “l’alignement à Ethereum”, à laquelle adhèrent la plupart des rollups comme Base, Optimism ou Arbitrum. Selon lui, ces L2 doivent impérativement utiliser les blobs d’Ethereum, car leur scalabilité intrinsèque est insuffisante pour supporter une adoption massive.
MegaETH adopte une vision différente. Pour BreadGuy, les utilisateurs ne quitteront pas la blockchain, car le vertical scaling permettra d’absorber l’adoption massive. C’est une approche monolithique, qui s’appuie sur les avantages techniques du modulaire. Il évoque même une comparaison avec Solana (21:05).
Bien que MegaETH sera interopérable avec tous les L1 et L2, contrairement aux rollups, il ne mise pas prioritairement sur la composabilité, mais sur des performances techniques que lui seul peut atteindre.
Note 8 – Spécialisation des nœuds
CONTEXTE
Concernant l’architecture de MegaETH (32:10), BreadGuy indique que le séquenceur est tellement performant que les full nodes, censés revérifier les transactions exécutées et les stocker, nécessitent une machine très puissante, hors de portée pour un particulier. Ils sont cependant permissionless, bien que peu d’acteurs puissent réellement tenir ce rôle.
Pour compenser, MegaETH permet le déploiement de deux types de nœuds plus légers, également permissionless, afin de renforcer la sécurité du réseau :
- Replica Node : Ces nœuds légers reçoivent les state diffs du séquenceur, c’est-à-dire les changements d’état à la fin de chaque batch (plutôt que chaque transaction). Cela fonctionne comme un ticket de caisse et évite de devoir réexécuter chaque opération. Ce mécanisme réduit considérablement la puissance requise. Le problème, c’est qu’il repose sur la confiance envers le séquenceur.
- Prover : Encore plus léger, ce nœud vérifie uniquement la validité des state diffs et génère une preuve qu’il transmet ensuite au Replica Node.
Ainsi, le Replica Node peut valider les données reçues en les comparant au résultat du Prover. Cette architecture est unique dans l’univers des L2. Elle contrebalance l’usage d’un séquenceur très centralisé, en limitant la confiance requise grâce à des rôles permissionless, légers et accessibles.
Note 9 – La levée de fonds la plus populaire
CONTEXTE
Interrogé sur l’aspect communautaire de MegaETH (37:20), BreadGuy affirme que le projet a volontairement refusé de lever trop de fonds auprès des investisseurs institutionnels, n’acceptant qu’un tour de table de 20 millions de dollars en juin 2024.
D’après lui, le projet cherche à démocratiser l’accès à la participation, en s’appuyant sur des levées publiques comme celle effectuée sur Echo. Cette démarche rappelle une époque où les tours d’investissement étaient publics, et où la création de valeur était partagée entre l’équipe, les investisseurs et les utilisateurs actifs.
FACT CHECK
Une levée de fonds publique a bien eu lieu sur Echo, une plateforme contournant l’interdiction des ICO dans certaines juridictions, en proposant une participation à un tour régulé plutôt qu’une vente directe de tokens.
La levée a eu lieu le 13 décembre 2024, avec une cible de 4,2 millions de dollars atteinte en 56 secondes. Face à la demande, le plafond a été augmenté à 10 millions, remplis en 70 secondes supplémentaires. En tout, 3 000 investisseurs de 98 pays y ont participé, pour une valorisation (FDV) estimée à 200 millions de dollars.
Par la suite, MegaETH a lancé une levée de fonds via 10 000 NFT nommés The Fluffle, vendus 1 ETH chacun. Ces NFT dynamiques représentent au minimum 5 % de l’offre totale du token, allocation qui pourrait augmenter selon l’évolution de la collection. Certains calculs estiment qu’ils donneraient une exposition à environ 500 millions de FDV, avec 50 % déverrouillés au TGE et le reste libéré sur 6 mois.
BreadGuy avait donc raison : la vision de MegaETH en matière de levée de fonds est résolument différente, avec une large place laissée au public. Si certaines opérations ont été mal reçues à cause de valorisations jugées excessives, le projet semble très recherché par les VCs, ce qui aurait probablement entraîné des tours privés tout aussi élevés.
Note 10 – L’impact de MegaMafia
HIGHLIGHT
BreadGuy présente en détail MegaMafia (40:00), un groupe de développeurs fondé par l’équipe, qui sélectionne les projets sur le volet pour construire les meilleures applications possibles. Il s’agit d’un véritable accélérateur d’écosystème. D’après BreadGuy, 15 projets d’applications en font partie.
Le groupe recherche des profils talentueux et ambitieux, avec des idées disruptives tirant parti de la scalabilité de MegaETH. Il cite notamment le jeu on-chain mentionné plus tôt, un VPN on-chain ou encore un système de modélisation 3D globale.
La MegaMafia a travaillé pendant 30 jours dans un hôtel à Chiang Mai, afin de créer des liens forts entre les équipes et favoriser une entraide concrète entre projets. L’objectif est de faire émerger des synergies au sein même de l’écosystème MegaETH.
En dehors de ce groupe de développeurs prestigieux, MegaETH possède aussi un programme ouvert pour aider les développeurs à construire sur la blockchain, un modèle bien plus commun dans l’écosystème.
Conclusion de l’analyste
BreadGuy est un invité idéal : en tant qu’influenceur actif sur X, il sait parfaitement vulgariser les concepts importants et diriger l’attention vers les éléments clés pour les utilisateurs comme pour les investisseurs.
Dans cette interview, il présente un L2 très différent des standards actuels, axé sur la scalabilité maximale, quitte à sacrifier certains aspects comme la composabilité, l’alignement à Ethereum ou la sécurité, tout en apportant des innovations architecturales pour compenser ces compromis.
Comme il le résume très bien, MegaETH n’est pas là pour concurrencer Ethereum, mais pour l’aider à vaincre Solana, en exploitant la technologie L2 pour offrir une scalabilité extrême, tout en restant compatible EVM. Cela permettrait d’étendre l’utilité du token ETH dans un écosystème dynamique et innovant.
Le projet mise avant tout sur des applications fortes, exploitant sa scalabilité unique pour proposer des expériences et des cas d’usage impossibles ailleurs. Cette stratégie axée sur les développeurs est incarnée par la MegaMafia, qui crée une véritable cohésion entre les projets au lieu de simplement distribuer des grants.
Dans un paysage L2 où la plupart des solutions se ressemblent, MegaETH se distingue par sa vision, sa culture et son expertise technique. Tout indique qu’il deviendra un acteur majeur du secteur, capable de provoquer une remise en question profonde des modèles actuels.