29 octobre 2025

Pendant des années, les écosystèmes blockchain ont laissé Circle et Tether capter des milliards de dollars de revenus générés par leurs stablecoins, sans jamais en percevoir un centime. Avec son offre Whitelabel, Ethena propose une alternative radicale : permettre à chaque blockchain ou application de lancer son propre stablecoin natif tout en capturant les revenus associés.
Depuis le début de l’année 2025, la capitalisation boursière des stablecoins a augmenté de plus de 48 % et dépasse désormais 300 milliards de dollars. Néanmoins, après plus de dix ans de domination sans partage, le duopole historique Tether - Circle est clairement menacé.
Pendant des années, les stablecoins ont été considérés comme des infrastructures neutres et indispensables : un moyen de paiement, une réserve de valeur, une unité de compte. Mais à mesure que leur collatéral s’est institutionnalisé, notamment avec les bons du Trésor américain et leur rendement de 4 à 5 % annualisé, leur nature économique a changé.
Les stablecoins sont devenus des obligations synthétiques, génératrices de revenus massifs pour leurs émetteurs. Or, le modèle économique de Tether et Circle repose sur une structure prédatrice : la totalité de ces revenus termine entièrement dans leurs coffres. À l’inverse, les blockchains et les protocoles, qui en assurent pourtant la distribution, ne perçoivent pas un centime.
Ce désalignement structurel, souvent qualifié de “stablecoin tax”, engendre une fuite de valeur massive hors des écosystèmes. Prenons l’exemple d’Ethereum : avec plus de 130 milliards de dollars d’USDT et d’USDC sur le réseau, les deux émetteurs génèrent environ 9 milliards de dollars de revenus annualisés, soit 17 fois plus que les frais totaux annualisés d’Ethereum.
C’est autant de valeur qui ne peut pas être utilisée au profit direct des écosystèmes, que ce soit pour financer des incentives, attirer des développeurs, récompenser les utilisateurs, ou même instaurer des systèmes de buyback pour assurer la pérennité de leurs tokens.
Dès lors, pourquoi avoir laissé un tel modèle se développer au détriment de revenus potentiellement massifs ? En réalité, l’émission d’un stablecoin a longtemps été un véritable défi technique, financier et réglementaire : collatéral reconnu et fiable, audits, licences, infrastructure et rails on-chain, etc.
Il s’agissait également d’un enjeu d’adoption pour les écosystèmes et les protocoles : l’effet de réseau de l’USDC et de l’USDT était tel qu’il était trop risqué, en plus d’être trop coûteux, de développer son propre stablecoin. C’est la raison pour laquelle la domination des deux émetteurs s’est autant renforcée au cours des dernières années.
Mais ce moat des émetteurs est désormais bousculé. Les infrastructures de la DeFi se sont professionnalisées, les solutions de custody et de compliance sont désormais matures, et la réglementation offre enfin une voie claire pour l’émission de stablecoins institutionnels (notamment avec le GENIUS Act aux États-Unis).
Dans le même temps, les progrès de l’interopérabilité ont rendu les stablecoins facilement transférables d’un réseau à l’autre, réduisant l’avantage historique de liquidité détenu par Tether et Circle. Ces trois facteurs ont fait sauter les verrous qui empêchaient jusqu’ici les écosystèmes de reprendre la main sur leurs stablecoins.
C’est précisément dans ce contexte qu’intervient la solution “Whitelabel” d’Ethena, qui propose une alternative clé en main : permettre à chaque blockchain, protocole ou application de lancer son propre stablecoin natif tout en capturant les revenus associés.
En septembre 2025, Ethena a annoncé le lancement d’un nouveau service : Ethena Whitelabel. Il s’agit d’une infrastructure de stablecoin-as-a-service qui permet concrètement à n’importe quelle blockchain, application ou wallet de lancer un stablecoin en réduisant au maximum la complexité technique que cela induit habituellement.
Cette offre s’appuie sur la technologie qui a fait la réputation d’Ethena : le moteur de l’USDe. Mais contrairement à l’USDe, les stablecoins en whitelabel sont totalement souverains dans leur branding, leur usage et leur distribution, tandis qu’Ethena agit uniquement comme un fournisseur d’infrastructure monétaire.
Par ailleurs, Ethena permet surtout aux partenaires de conserver une part majoritaire des rendements générés. Une offre gagnant-gagnant, qui permet aux différents acteurs de développer une nouvelle verticale de revenus jusqu'ici réservée aux émetteurs hégémoniques et à Ethena de développer son image, sa TVL, et donc ses revenus.
Concrètement, l’offre de whitelabel d’Ethena est une réponse directe au problème évoqué ci-dessus : les écosystèmes peuvent reprendre la main sur les flux de revenus générés par leurs stablecoins, sans avoir à assurer les détails techniques et réglementaires associés.
Derrière la simplicité apparente du concept, le modèle d’Ethena repose sur une architecture extrêmement solide. Chaque stablecoin en whitelabel est adossé à une combinaison configurable de deux sous-jacents :
→ Pour approfondir, retrouvez notre analyse sur les différents stablecoins d’Ethena, leur fonctionnement et leur rôle :
Le fonctionnement est relativement simple. Toute application ou blockchain peut construire son propre stablecoin à travers 3 approches différentes :
Le choix de la stratégie n’est pas fixe. Au contraire, Ethena propose un modèle évolutif : un projet adoptant l’offre de whitelabel peut lancer un stablecoin basé sur la première stratégie (100 % USDtb) et basculer plus tard sur une autre approche (par exemple, hybride).
La flexibilité du modèle le rend particulièrement résilient. Lorsque les taux de la dette américaine sont élevés, le rendement des T-Bills rend l’USDtb particulièrement intéressant. En revanche, lorsque les taux baissent, la stratégie de yield delta neutral de l’USDe prend le relai et devient plus avantageuse.
Dans un cas comme dans l’autre, l’idée de fond demeure la même : n’importe quel protocole ou blockchain peut désormais émettre un stablecoin pour son écosystème avec un yield sous-jacent natif.
En parallèle, Ethena prévoit la mise en place d’un liquidity layer, un module de type PSM (Peg Stability Module), permettant aux partenaires Whitelabel de convertir leurs actifs adossés à l’USDtb contre les stablecoins présents dans la réserve de l’USDe (USDC, USDT, etc.), afin d’assurer une liquidité immédiate et de limiter la fragmentation des marchés secondaires.
L’autre intérêt repose sur l’expertise d’Ethena, l’un des rares projets pouvant se targuer d’avoir effectué des dizaines de milliards de dollars de mint & redeem sans accroc. Pour rappel, l’USDe est actuellement le 3e stablecoin le plus capitalisé du marché, derrière les géants Tether et Circle. Et sa part de marché ne fait que croître.
Enfin, en supprimant la barrière technique inhérente à la création de stablecoins, l’avantage pour les émetteurs est de pouvoir proposer un actif en quelques semaines, contre plusieurs mois auparavant.
Bien que récemment annoncée, la solution Whitelabel d'Ethena a déjà trouvé son public : des géants comme Sui, MegaETH et Jupiter ont déjà confirmé qu'ils allaient en faire usage pour tirer pleinement partie de ces nouveaux flux de revenus.
MegaETH prévoit de lancer son stablecoin natif USDm basé sur l’USDtb, pour lequel le yield généré permettra de subventionner les frais du séquenceur et les transactions de la blockchain, permettant directement de maintenir des coûts extrêmement bas et stables pour les utilisateurs et les développeurs.
Il s’agit d’un véritable cas pratique, où le stablecoin devient une pierre angulaire de l’écosystème grâce au yield sous-jacent. Mais surtout, MegaETH devient la première infrastructure de blockchain à disposer de son propre stablecoin et d’obtenir une nouvelle source de revenus, un enjeu dans un contexte où la majorité des blockchains ne sont pas rentables.
De son côté, Jupiter, mise également sur un stablecoin assuré par de l’USDtb. Ce dernier aura de nombreux cas d’usage, puisqu’il sera le véritable actif par défaut de l’écosystème Jupiter : trading, DeFi, lending, etc.
De surcroît, Jupiter convertira instantanément 750 millions de dollars d’USDC issus de ses réserves en jupUSD au premier jour, mettant l’actif sous les projecteurs dès son lancement. Ce sont autant de fonds qui travailleront désormais pour Jupiter et son écosystème plutôt que pour Circle. Pour Ethena, cela lui offre une vitrine de choix sur Solana, Jupiter étant littéralement le plus gros protocole de la blockchain.
Enfin, Sui mise sur une approche différente et prévoit de lancer 2 stablecoins : le suiUSDe, collatéralisé à 100 % par de l’USDe, et l’USDi, quant à lui collatéralisé par de l’USDtb.
Le suiUSDe est conçu de manière à tirer pleinement parti du modèle yield-bearing, puisque tous les revenus générés par ce dernier viendront financer un programme de buyback sur le SUI, le token natif de la blockchain. L’USDi, lui, repose sur un modèle plus prudent : collatéralisé par l’USDtb, c’est-à-dire le fonds tokenisé BUIDL de BlackRock, il aura un usage plus général.
Tout comme Jupiter, en ayant recours à l’offre Stablecoin-as-a-Service d’Ethena, Sui lui permet de s’étendre hors de son champ d’action historique, c’est-à-dire Ethereum et l’écosystème EVM.
| Projet | Stablecoin | Utilité | Backing |
|---|---|---|---|
| Jupiter | jupUSD | - Stablecoin natif pour l'écosystème (application mobile, trading, lending, etc.) <br>- 750M$ de liquidité day 1 <br>- Collateral pour les perps | - USDtb |
| MegaETH | USDm | - Subventionner les frais du séquenceur et des transactions via le yield sous-jacent | - USDtb |
| Sui | suiUSDe & USDi | - SuiUSDe : buyback de tokens SUI grâce au yield sous-jacent <br>- USDi : usages DeFi, paiements etc. | SuiUSDe : USDe & USDi : USDtb |
Plus récemment, les fournisseurs d’infrastructures blockchain Caldera et Conduit ont ajouté le Whitelabel à leur marketplace de tooling. Autrement dit, les blockchains basées sur Caldera ou Conduit bénéficient désormais de la possibilité d’inclure cette nouveauté de manière native. Un potentiel “game changer” pour Ethena.
L’offre whitelabel crée un cercle vertueux entre la croissance des partenaires, celle de la TVL d’Ethena, et la valeur captée par ses utilisateurs. L’impact pour les blockchains et les protocoles est évident : souveraineté sur les flux de stablecoins, revenus massifs supplémentaires, ou encore possibilité de mieux incentiver et financer l’écosystème.
Pour Ethena, plus le nombre de partenaires augmente, plus son infrastructure se consolide. À chaque fois qu’un nouvel acteur émet un stablecoin via l’offre, la demande pour USDe et USDtb augmente mécaniquement. Cela fait croître la TVL d’Ethena, renforce la liquidité de son écosystème et, à terme, alimente les revenus redistribués aux détenteurs de sENA, la version stakée du token ENA.
C’est un modèle d’intégration horizontale unique dans la DeFi : Ethena ne cherche pas à centraliser le pouvoir monétaire, mais à devenir la couche invisible de tous les paiements on-chain, capturant une petite fraction du rendement de chaque stablecoin émis sur sa base.
Pour les utilisateurs, l'USDe constitue une source de revenus intéressante. En stakant ce dernier, ils obtiennent en contrepartie du sUSDe, et accèdent à des rendements bien supérieurs aux offres que l'on peut voir pour l'USDC, l'USDT ou tout stablecoin dont les revenus ne sont pas partagés.
C'est ce qui explique en partie la croissance phénoménale de l'USDe : sa capitalisation a grimpé de 105 % depuis le début d'année, et de 172 % au cours du dernier trimestre (Q3). Bien sûr, d'autres facteurs sont à considérer, notamment l'intégration réussie de l'USDe au sein de l'écosystème Binance Earn.
La croissance de l'USDe bénéficie directement à ses détenteurs et utilisateurs sur différents points : plus de liquidité, donc moins de spreads et moins de slippage. Autrement dit, l'USDe devient un stablecoin pouvant être tradé et swap de manière reconnue.
Mais surtout, avec l'activation prochaine du fee switch, ce sont les détenteurs de sENA (la version stakée de l'ENA) qui pourraient également en bénéficier. Ceux-ci se partageront une partie des revenus générés par le protocole. Et quoi de mieux que de proposer une stack de lancement de stablecoin clés en main basée sur un modèle de partage des revenus pour étendre Ethena et sa suite de produits ?
À la fin, ce sont les utilisateurs d’Ethena qui profitent de ce cercle vertueux.
Les opportunités sont innombrables : création de stablecoins wallet-natifs, permettant de générer des rendements compétitifs via le staking, mais aussi les néobanques, (dont le projet UR de Mantle fait partie et qui a d’ailleurs intégré l’USDe comme premier stablecoin), ou encore les marchés prédictifs, sur lesquels dorment des montants astronomiques de stablecoins qui ne peuvent être mis à profit.
Il y a fort à parier qu’avec l’émergence de ces modèles d’un nouveau genre, qui viennent directement inverser le rapport de force historiquement dominé par les émetteurs centralisés, une nouvelle tendance va pouvoir se développer.
Un point d’inflexion a d’ailleurs pu être observé lorsque Hyperliquid a fait concourir différents acteurs et émetteurs de stablecoins historique pour structurer et lancer son stablecoin natif, l’USDH. L’idée derrière ce dernier était de proposer un actif pouvant devenir moteur d’un cercle vertueux dans son propre écosystème, rappelant directement le modèle de partage des revenus proposé par Ethena.
Dans des cas de figure comme celui de l’USDH, ce ne sont pas les plateformes qui doivent “subir” le modèle imposé par les géants du secteur, mais l’exact inverse : ces derniers doivent concourir afin de proposer la meilleure offre possible pour espérer avoir un pied dans des écosystèmes fonctionnels et qui attirent les investisseurs.
À terme, nous pourrions donc nous attendre à l’émergence de stablecoins “natifs” de leur propre écosystème, lequel bénéficierait enfin d’un flux de revenus qui leur était jusqu’ici interdit. C’est en tout cas ce qui semble se profiler avec cette nouvelle brique technique conçue par Ethena.